Deux enfants jouent sur des smartphones à Kharkiv, au printemps 2022. | Sergey Bobok / AFP
Deux enfants jouent sur des smartphones à Kharkiv, au printemps 2022. | Sergey Bobok / AFP

Comment la Russie détourne l'internet ukrainien pour effacer le pays

Le contrôle des esprits commence ici.

Nous avons beaucoup parlé de l'importance prise par Starlink, l'internet par satellite fourni à l'Ukraine par SpaceX et Elon Musk, depuis le début de l'invasion russe.

Starlink revêt une importance à la fois pour les populations civiles et leur accès aux informations les plus critiques en temps de guerre, mais également pour les forces militaires, dont nombre d'appareils (notamment les si précieux drones) dépendent d'une connexion solide et permanente au réseau des réseaux.

Dans une interview récente donnée à Wired, le président ukrainien Volodymyr Zelensky lui-même répétait à quel point cet accès à internet avait été crucial pour sauver sa nation du déferlement de propagande générée en continu par le Kremlin.

Car si Moscou semble avoir beaucoup de mal à battre l'Ukraine sur le front militaire comme sur celui de la communication, la Russie connaît l'importance de l'information dans le contrôle d'une population.

De la langue aux passeports en passant par la culture et l'éducation des enfants, la «russification» des zones ukrainiennes conquises depuis fin février semble être une priorité absolue pour tenter d'effacer l'Ukraine des esprits.

Pour accélérer le processus, il est important pour Moscou de priver les populations colonisées de leur accès à un internet, une information et une pensée libres.

Le grand détournement

Et ainsi que l'explique le Wired britannique dans un article sur la question, la Russie a déjà commencé à rerouter les flux de connexions issues des zones occupées vers ses propres infrastructures, son propre «splinternet», qu'elle contrôle de manière autoritaire et sur lequel elle peut imposer une censure toujours plus étroite.

En imposant aux fournisseurs ukrainiens d'accès à internet cette déviation sur les autoroutes russes de l'information, c'est aussi le monde de surveillance étroite mis en place par le Kremlin que la Russie impose aux territoires colonisés. Avec tous les risques que cela peut comporter pour celles ou ceux qui voudraient résister à cette occupation brutale et à cette russification accélérée.

Comme l'explique Wired, les firmes de télécommunication ukrainiennes n'ont pas le choix: soit elles dévient les flux, soit elles les coupent entièrement. En outre, en faisant circuler de nouvelles cartes SIM liées aux fournisseurs russes, Moscou commence également à imposer aux téléphones cellulaires ses propres réseaux et entreprises. La mainmise sur les télécommunication est un objectif prioritaire: elle doit être rapide et elle doit être totale.

«Nous voyons cela comme une violation grossière des droits humains, affirme à Wired Victor Zohora, l'un des patrons de l'agence ukrainienne en charge de la cybersécurité. Parce que tout le trafic sera contrôlé par les services spéciaux russes, il sera surveillé et les envahisseurs pourront couper l'accès aux sources offrant une information véridique.»

«Ils ont peur que les nouvelles de la progression de l'armée ukrainienne n'encourage la résistance dans la région de Kherson [dans le sud de l'Ukraine, ndlr] et favorise des activités réelles», ajoute l'Ukrainien.

Comme le note Wired, une entreprise semble être au centre de ces opérations: Miranda Media. Parmi les partenaires fièrement exhibés sur son site officiel, on retrouve le FSB et le ministère russe de la Défense –histoire de ne laisser aucun doute sur qui contrôle réellement ces opérations de russification des télécommunications.

Miranda Media n'est pas une nouvelle venue. C'est elle qui, déjà, s'était occupée de ces reroutages des flux et informations après l'invasion de la Crimée par la Russie en 2014, bien que le processus ait à l'époque été moins immédiat. Depuis 2017, plus d'internet ukrainien et libre dans la péninsule: tout passe désormais par la Russie, contrôle, propagande et censure inclus.

«La Russie montre clairement qu'elle est là pour rester, explique Olanna Lennon, une chercheuse ukrainienne en science politique. Et contrôler internet est central dans un tel projet. Ils sont en train de préparer leur occupation sur le long terme.» C'est aussi de cette manière que l'on efface une nation et son peuple, son histoire et ses velléités de liberté.

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