Les principaux acteurs du secteur des câbles sous-marins, tels que le japonais Nippon Telegraph and Telephone Corporation (NTT), le singapourien Singapore Telecommunications (Singtel) ainsi que les américains Meta et Google, cherchent de plus en plus à contourner la mer de Chine méridionale.
Alors que plusieurs projets de câbles internet déjà lancés doivent y passer, la volonté affichée de Pékin de contrôler la quasi-totalité de cette mer, sur fond de tensions avec les États-Unis, préoccupe les opérateurs.
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Mais ce contournement va engendrer des difficultés, prévient le journaliste Tsuraba Suruga, de Nikkei Asia. L'allongement des câbles représente à la fois un coût financier et une perte de débit –qui peut être critique pour des industries comme la finance.
Les projets traversant la mer de Chine méridionale ne sont pas condamnés, mais ralentis. Singtel doit par exemple, aux côtés de Meta et du japonais KDDI, déployer le Southeast Asia-Japan 2 (SJC2), un câble de fibre optique long de 10.500 kilomètres et connectant le Japon et Singapour.
Après la signature d'un accord en 2018, il devait être initialement livré en 2020, mais son installation a été fortement ralentie par les réticences des autorités chinoises à donner les autorisations nécessaires pour que l'infrastructure traverse ses eaux, Pékin invoquant des impératifs de «sécurité nationale». Le consortium se fixe désormais 2024 pour horizon.
Dérouler du câble
«Gérant la quasi-totalité du trafic mondial de données, des messages texte aux vidéos et aux appels téléphoniques, les câbles sous-marins sont l'épine dorsale de l'économie mondiale, rappelle Nikkei Asia. Plus de 450 câbles s'étendent sur 1,4 million de kilomètres, assez pour faire trente fois le tour de la Terre.» Ils sont particulièrement vitaux pour les géants du divertissement (YouTube, Netflix, Amazon): entre 2010 et 2022, la part de bande passante mondiale qu'ils utilisent est passée de 10% à 71% selon Telegeography, compagnie américaine spécialisée dans l'étude du marché des télécommunications.
Entre 2023 et 2025, 2,4 milliards d'euros devraient être investis dans des projets de câbles sous-marins en Asie, soit six fois plus qu'entre 2000 et 2022. Un câble seul peut coûter des centaines de millions de dollars, ce qui favorise les consortiums regroupant des opérateurs télécoms avec un Gafam comme Google, Meta, Microsoft et Amazon –Apple restant à l'écart du marché pour le moment.
D'ici à 2024, Meta et Google espèrent terminer Echo, un câble connectant la Californie à Singapour via Guam et l'Indonésie. Au même moment, Meta et Keppel Telecommunications & Transportation (Singapour) veulent traverser la mer de Java avec Bifrost.
Enfin, chez les contourneurs, Meta, Google, NTT et d'autres comptent boucler Apricot, le premier câble intra-asiatique qui évite la mer de Chine méridionale en passant par les eaux orientales des Philippines et de l'Indonésie.