Dans un texte de loi sur l’économie en ligne votée en 2017, le Parlement britannique a affirmé vouloir protéger les jeunes internautes en affermissant sa politique des filtres d’âge pour accéder à des contenus pornographiques.
Cette loi, surnommée «porn block» («bloqueur de porno»), n’a pas encore été appliquée, mais ça ne saurait tarder. Certains médias affirment que cela pourrait arriver dès le mois prochain –ce que dément le gouvernement de sa Majesté, qui n’a en ce moment pas besoin d'en rajouter pour énerver tout le monde.
Les modalités d'accès à des sites pornographiques ne sont pas sans poser de problèmes: la règle générale veut qu'un bouton de confirmation suffise pour y pénétrer –un accès qui n'est pas proscrit pour les jeunes enfants, faute de contrôle. C’est pourquoi, outre-Manche, un porte-parole du département du numérique estime que les vérifications obligatoires stipulées par la loi seront «une première mondiale vers une meilleure protection des enfants».
L'opération ne devrait pas coûter un centime à l’État, puisque c’est aux sites que revient la responsabilité de s’assurer de la limitation. À ce fins, MindGeek, géant du porno propriétaire de dizaines de site (dont Pornhub et YouPorn), ainsi que plusieurs grands studios ont développé un outil spécial. Baptisé AgeID, cet outil permettra aux utilisateurs et utilisatrices de confirmer leur majorité via des «fournisseurs de confiance». On n'en sait pas beaucoup plus sur la nature de ces fournisseurs et comment le système fonctionnera, précisément. Parmi les pistes évoquées, on note la possibilité de se rendre dans un magasin physique assermenté, carte d'identité à l'appui; une autre voie consisterait à récupérer les informations via Facebook.
Des mesures inefficaces
Cette solution semble n'avoir de solution que le nom. Un procès en inefficacité est déjà fait à cette série de propositions. Puisque de très nombreux pays ne requièrent pas d’authentification, il suffit d’utiliser un VPN afin de contourner le filtre. Ces logiciels sont faciles d’utilisation, légaux, aisément téléchargeables et, pour certains, gratuits.
Il est peu probable que des enfants si jeunes arrivent sur un site porno mainstream. Ils sont plus susceptibles de tomber sur ce genre d’images au détour d’une recherche Google image ou à cause d'une pub pornographique sur un obscur site de Torrent.
Il y a donc peu de chance que des adolescentes et des adolescents avec un minimum d'ingéniosité soient réellement bloqués par le dispositif. À la décharge du Parlement, la loi n’a pas vraiment pour but d’empêcher les lycéennes et lycéens d’aller voir du porno, mais plutôt de protéger les jeunes enfants en dessous de 12 ans, moins susceptibles, il est vrai, d’utiliser un VPN.
Mais dans ce cas aussi la mesure ne paraît pas optimale, estime Jim Killock, un membre d’Open Rights Group, une organisation anglaise de défense des droits numériques: «Il est peu probable que des enfants si jeunes arrivent sur un site porno mainstream. Ils sont plus susceptibles de tomber sur ce genre d’images au détour d’une recherche Google image ou à cause d'une pub pornographique sur un obscur site de Torrent.»
Les données exposées
Ce qui inquiète le plus Jim Kollock cependant, c’est le danger pour les données des utilisateurs et utilisatrices. Parce qu'elles seront probablement monétisées, mais aussi à cause de la sécurité. AgeID promet des données entièrement cryptées mais, selon l'activiste, ces sites n’ont simplement pas assez de ressources pour protéger autant de données: «Google est très sécurisé, ce n’est pas le cas des sites pornographiques.»
Les données personnelles relatives au porno peuvent sembler anecdotiques par rapport à d'autres, bancaires par exemple. Mais elles sont extrêmement sensibles: une fuite exposerait celles et ceux qui utilisent ces sites à des sextorsion, un type de chantage qui a causé quatre suicide en 2015.
Quand le travail du sexe se passe en ligne, et plus dans la rue ça permet aux TDS de travailler pour eux-mêmes, plutôt que de passer par un proxénète.
Aussi, MindGeek est probablement l'une des seules entreprises du domaine a pouvoir créer un tel service. Or, la nouvelle loi pourrait potentiellement forcer les travailleurs et travailleuses du sexe (TDS) qui exercent leur métier en ligne à utiliser un système de filtre. Nombreux seraient celles et ceux à ne pas pouvoir payer pour créer leur propre système ou utiliser AgeID.
Or, comme explique Kate Lister, une historienne des TDS, internet a grandement augmenté leur sécurité et leur indépendance: «Quand le travail du sexe se passe en ligne, et plus dans la rue ça permet aux TDS de travailler pour eux-mêmes, plutôt que de passer par un proxénète.»