C'est une discussion qui existe depuis le début de l'épidémie de Covid-19 et qui, avec l'arrivée progressive des vaccins, devient plus sérieuse que jamais. Devra-t-on mettre en place un système permettant de prouver que nous ne sommes pas contaminés par le virus? Et si oui, devrait-on conditionner l'accès à certains lieux et services à la possession de ce passeport?
L'idée n'est pas révolutionnaire. Un document permettant de montrer patte blanche fait partie des manières habituelles de contrôler une épidémie. Comme le rappelle le New York Times, il existe encore aujourd'hui un Certificat international de vaccination ou de prophylaxie délivré par l'OMS et utilisé notamment dans les zones où la fièvre jaune circule. Il peut être obligatoire pour prendre l'avion ou entrer dans certains pays.
Non seulement un tel certificat permettrait à l'économie de se relancer plus rapidement, mais il pourrait contribuer à redonner confiance aux consommateurs. La garantie que les autres clients ne sont pas malades pourrait motiver les masses à reprendre le chemin des commerces.
Cette solution pose néanmoins un problème évident: elle creuse de fait un fossé entre les personnes disposant du certificat et celles n'ayant pas ce privilège, provoquant un risque supplémentaire de discrimination envers celles et ceux pour qui l'accès au vaccin peut être difficile, ou envers celles et ceux qui refuseraient la vaccination.
Le secteur privé prend de l'avance
Plutôt qu'un document papier officiel, il est possible que ce passeport prenne la forme d'une application. Depuis le début de la crise, les autorités sanitaires s'appuient beaucoup sur le numérique.
Cette solution a ses avantages. Elle rend difficile la falsification des certificats. Elle permet aussi d'actualiser facilement sa situation en cas de nouveau test ou de vaccination. Mais elle pose, bien sûr, de sérieuses questions de vie privée. Au début de la crise, la Chine avait par exemple imposé l'utilisation d'une application de surveillance.
D'autant que puisque les vaccinations de masse n'ont pas débuté dans la plupart des pays, les gouvernements prennent leur temps –ou sont en retard– pour mettre en place de tels systèmes. Pendant ce temps, des entreprises privées développent et distribuent leurs solutions, avant même qu'elles ne puissent être régulées.
C'est le cas par exemple de CommonPass, une application déjà utilisée par plusieurs compagnies aériennes, dont United et Lufthansa. IBM et l'entreprise de cybersécurité Clear proposent aussi des health pass, qui sont employés par des stades ou des assurances.
«Toute la partie entreprise, le niveau de privatisation de ces systèmes est assez nouveau, explique Michael Willrich, un historien spécialisé dans les épidémies. Cela pose des questions sur le respect de la vie privée, sur le droit à ne pas être surveillé.»