Le siège du PDG d'Alphabet (Google), Larry Page, est vide alors que Jack Dorsey, PDG de Twitter, et Sheryl Sandberg, directrice des opérations de Facebook, témoignent devant le Congrès à Washington, le 5 septembre 2018. | Jim Watson / AFP
Le siège du PDG d'Alphabet (Google), Larry Page, est vide alors que Jack Dorsey, PDG de Twitter, et Sheryl Sandberg, directrice des opérations de Facebook, témoignent devant le Congrès à Washington, le 5 septembre 2018. | Jim Watson / AFP

Derrière le départ des fondateurs de Google, le problème de la responsabilité dans la tech

Larry Page et Sergey Brin ne devraient-ils pas être tenus pour responsables des choix de l'entreprise qu'ils ont dirigée pendant vingt ans?

Larry Page et Sergey Brin s'en vont. Les deux fondateurs de Google ont annoncé dans un billet de blog, mardi 3 décembre, lâcher les rênes de la maison mère de Google, la holding Alphabet. Que penser et comment analyser ce départ? Au sein de l'entreprise comme à l'extérieur, on reproche aux deux hommes la même chose: fuir leurs responsabilités.

Larry Page et Sergey Brin peuvent légitimement être perçus comme les deux hommes les plus puissants de la tech. Pourtant, après avoir abandonné la casquette de directeurs généraux de Google en 2015 au profit de Sundar Pichai, ils se faisaient déjà très discrets, voire complètement absents, malgré leur rôle au sein d'Alphabet. Ils quittent désormais leurs fonctions directives mais restent actionnaires et membres du conseil d'administration.

Au pire moment? La société est, depuis plus d'un an, dans une période de forte tourmente: en novembre 2018, environ 20.000 employé·es ont manifesté dans cinquante villes du monde pour protester contre des accusations de racisme et de harcèlement sexuel au sein de l'entreprise et l'absence de mesures prises par la direction. Quelques mois plus tôt, des milliers de salarié·es s'étaient opposé·es au Projet Maven, un programme pilote d'intelligence artificielle qui aurait pu être utilisé pour des frappes de drones –forçant Google à rétropédaler et mettre fin au projet. En un mot, les rangs sont divisés chez Google et les personnels reprochent furieusement aux deux fondateurs de quitter le navire.

Sur Twitter, Tom Karlo, directeur produit chez YouTube, souligne qu'une «catégorie d'employés pensaient que les fondateurs allaient peut-être revenir et redresser la situation». Dans le même temps, un groupe d'ancien·nes salarié·es, assurant avoir été licencié·es par représailles après leur opposition à plusieurs projets, vont plus loin. «Les individus qui ont construit cette entreprise sous le slogan “Don't Be Evil” s'enfuient face à la perspective de leur création ayant mal tourné», affirme Rebecca Sanders. «Au lieu de faire front pour leurs employés, ils abdiquent face à leur responsabilité et nous laissent souffrir.»

Même son de cloche chez un autre groupe de personnes licenciées, s'étant constituées sous le nom Google Walkout for Real Change en novembre dernier, à la suite des manifestations internationales. Au lieu de sauver «le navire en détresse, ils en sautent», écrivent-elles sur le réseau social.

Deux ombres derrière Google

Elizabeth Warren, femme politique et dans le trio de tête du Parti démocrate pour les prochaines élections présidentielles américaines, a rapidement rappelé Larry Page à ses responsabilités après l'annonce de son départ: «Petit rappel», formule-t-elle sur Twitter à son attention. «Nous attendons toujours que vous veniez témoigner devant le Congrès. Et ce changement de titre tout en restant au conseil d'administration et en conservant un contrôle effectif ne vous exemptera pas de vos responsabilités.»

La députée américaine fait ici référence à deux choses. La première, c'est le refus de Larry Page de témoigner devant le Congrès à l'été 2018 sur les affaires d'interférences russes dans l'élection présidentielle américaine de 2018. Aucun membre de la direction de Google ne s'était présenté à l'audition, contrairement à Jack Dorsey (patron de Twitter) ou Sheryl Sandberg (numéro 2 de Facebook).

La seconde, c'est cette vaste enquête antitrust menée par cinquante procureurs généraux à travers les États-Unis, accusant Google de profiter de la position dominante sur son moteur de recherche. Et qui tombe, comme le souligne Associated Press, quelques semaines avant ce départ soudain.

Pourtant, Larry Page et Sergey Brin conservent leur position dominante au sein des actionnaires et leur pouvoir au conseil d'administration. Ne devraient-ils pas continuer à être tenus pour responsables des choix faits par l'entreprise qu'ils ont créée et dirigée pendant vingt ans? C'est en substance ce qu'écrit l'acteur Sacha Baron Cohen sur Twitter sous le hashtag #SiliconSix. Lors d'un discours devenu viral en novembre, l'acteur avait appelé les «Silicon Six», les six grands dirigeants de la Silicon Valley, à prendre leurs responsabilités face aux discours de haine et à la propagande sur internet et les réseaux sociaux.

La problématique de la responsabilité est bien au cœur du problème du départ des fondateurs de Google. Certains considèrent déjà que Sundar Pichai, ancien PDG de Google, désormais à la tête d'Alphabet, n'aura qu'un rôle de pantin dans ce nouveau rôle. «Pichai sera le bouclier humain parfait; quelqu'un qui prendra toutes les critiques et n'aura presque aucun pouvoir pour déterminer la direction des affaires. La transition de figure de proue en actionnaires majoritaires de l'ombre est terminée», prédit le magazine américain Wired sur le départ des deux hommes.

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