Vous ne l'avez certainement pas remarqué, mais le 8 janvier dernier entre 14 et 15 heures, le réseau électrique européen a frôlé la catastrophe.
Une baisse brutale de tension a nécessité la déconnexion de plusieurs gros sites industriels en France et en Italie afin d'éviter un black-out général.
RTE, le réseau de transport d'électricité en France, a ainsi coupé l'alimentation de seize grands sites industriels sur le territoire national et activé en urgence des réserves de production, ce qui a permis de réduire la consommation de 1.300 MW, relate sur son blog Sylvestre Huet, journaliste spécialisé en sciences.
Selon l'expert autrichien Herbert Saurugg, il s'agissait du deuxième incident majeur le plus grave du réseau européen à ce jour.
En Europe, la fréquence du courant alternatif distribué aux ménages et aux entreprises est de 50 hertz (Hz). Or, cette fréquence dépend de l'équilibre entre l'offre et la demande: lorsqu'il n'y a pas assez d'électricité, la fréquence baisse, et lorsqu'il y a un surplus, elle grimpe.
Pour que cette fréquence reste stable, l'équilibre entre production et consommation de puissance électrique doit donc être garanti en permanence, grâce à une mécanisme d'ajustement automatique qui s'enclenche dès qu'une déviation est constatée (par exemple en injectant de l'électricité sur le réseau ou en diminuant temporairement la consommation de clients volontaires).
Fluctuations
Le problème, c'est que les énergies intermittentes comme l'éolien ou le solaire sont très difficiles à gérer: elles entraînent des pics et des creux de production parfois très importants, qui ne peuvent pas toujours être compensés.
«La question n'est pas de savoir s'il y aura un black-out dans certaines régions d'Europe, mais quand il aura lieu», assène Stefan Zach, porte-parole du groupe EVN, un distributeur d'électricité autrichien.
Une telle situation s'est déjà produite en 2016 en Australie, où un surplus électrique éolien massif a entraîné la coupure électrique de 850.000 foyers. L'été dernier, la vague de chaleur en Californie a contraint le régulateur à des mini-coupures «tournantes».
Les gestionnaires de réseaux commencent à installer de gigantesques batteries pour éviter ce type de problème –mais pas suffisamment rapidement, observe Bloomberg. Car les énergies renouvelables, qui représentent aujourd'hui 20% de la consommation électrique finale, pèseront en 2040 plus de 24%, selon l'AIE.
D'après les premiers éléments de l'enquête, il semble finalement que la panne du 8 janvier provienne d'un dysfonctionnement sur une station électrique en Croatie, qui aurait entraîné une surcharge sur le réseau.
Mais l'incident préfigure le genre de souci qui risque fort de se produire plus fréquemment à l'avenir. «Cette fois les systèmes de secours ont fonctionné mais le modèle n'est pas viable à long terme», prévient Michael Strebl, directeur général de Wien Energie.
Coïncidence, RTE avait justement appelé les Français à réduire leur consommation électrique ce 8 janvier, en raison de la vague de froid. Vague de froid sans soleil et sans vent, où les énergies renouvelables se trouvent bien démunies pour compenser la hausse de la consommation.