Membre de l'OPEP, le Nigeria repose en grande partie sur l'industrie pétrolière et le gaz, qui représentent 10% de son PIB et 86% de ses exportations. Le pays disposerait de réserves de 36,9 millions de barils de pétrole et de 5,7 millions de mètres cube de gaz dans son sous-sol.
Mais c'est aujourd'hui un autre or noir qu'entend exploiter Ifedolapo Runsewe, une entrepreneuse basée à Lagos, la capitale du pays. Cette cheffe d'entreprise a fondé en 2018 Freetown Waste Management Recycle Limited, qui collecte et recycle les vieux pneus pour les transformer en pavés, matelas, revêtements de sol, accessoires automobiles, aires de jeux pour enfants ou encore tapis de souris.
«Nous voulions créer quelque chose à partir de déchets qui autrement serait gaspillés, explique la cheffe d'entreprise à Reuters. Aujourd'hui, nous avons créé toute une chaîne de valeur autour des pneus.»
Il faut dire qu'au Nigeria, les pneus usagés ne font l'objet d'aucune collecte et gisent souvent au milieu des villages. Faute de méthode d'élimination, les résidents les brûlent la nuit, ce qui engendre des problèmes de santé publique et de pollution. Selon la Chambre de commerce et d'industrie d'Abuja (ACCI), 10 millions de pneus usagés viennent s'ajouter chaque année à ces décharges sauvages.
Réinventer le pneu
Depuis le début de ses activités, en 2020, Freetown Waste Management Recycle Limited a déjà recyclé plus de 100.000 pneus et son effectif est passé de 4 employés en 2020 à plus de 128.
L'entreprise emploie des collecteurs de rue qui récupèrent les vieux pneus dans les décharges et sont rémunérés 70 à 100 nairas par pneu [15 à 20 centimes d'euros]. Certains pneus sont également fournis directement par les mécaniciens, ravis de trouver une nouvelle source de revenus.
La start-up n'est d'ailleurs pas la seule à miser sur ce nouvel or noir. Fondée en 2016, Cyrus45factory leur donne une seconde vie en créant des meubles design et a reçu des distinctions locales et internationales.
Le potentiel de cette industrie naissante est prometteur. En Europe, 50 millions de pneus usagés sont collectés et traités chaque année, et le marché annuel du recyclage des pneus est estimé à 2,33 milliards de dollars [2 milliards d'euros].
Elle devrait croître à un rythme annuel notoire d'ici 2035, prévoit le cabinet d'analyse Goldstein Market Intelligence. Le procédé est en outre bien plus écologique, puisqu'il faut 4,35 tonnes de CO2 pour produire du caoutchouc naturel, contre seulement 97 kg de CO2 pour produire la même quantité de caoutchouc recyclé.
35% des pneus sont aujourd'hui recyclés en Europe et 35% sont utilisés pour la production d'énergie. C'est évidemment un marché de niche par rapport au pétrole, mais qui montre que le Nigeria détient aussi des ressources insoupçonnées et des entrepreneurs créatifs.