Mars est un environnement très inhospitalier pour l'organisme humain. Là-bas, pas de véritable atmosphère ni de champs magnétiques pour nous protéger des radiations cosmiques et des particules solaires. Or, celles-ci peuvent abîmer nos cellules, provoquant des problèmes cardiaques et cognitifs ou altérer notre ADN, engendrant cancers et maladies génétiques.
Face à cette menace, mortelle pour ses astronautes, la NASA cherche des parades: trajets et séjours raccourcis, boucliers anti-radiations, abris souterrains sur Mars... Mais ils ne changent pas le fond du problème: nos organismes ne peuvent survivre à un séjour prolongé sur la planète rouge. Dès lors, impossible d'envisager la colonisation de Mars, qui suppose des existences entières passées là-bas.
Astronautes génétiquement modifiés
«Une voie probable pour la réduction des risques dans l'espace semble impliquer l'ingénierie biologique des futurs astronautes», soutient George Church, généticien, biologiste et fondateur du Consortium for Space Genetics de Harvard.
Le chercheur a identifié une quarantaine de gènes humains qui leur seraient utiles: CTNNB1 pour la résistance aux radiations; LRP5 pour des os plus solides; EPOR pour consommer moins d'oxygène; et d'autres gènes qui améliorent l'intelligence, la mémoire ou réduisent l'anxiété. Il mentionne même ABCC11, qui diminue les odeurs corporelles, un vrai problème dans les espaces confinés des vaisseaux.
Ces gènes pourraient être implantés chez les astronautes via «des thérapies géniques transmises par virus ou bien des thérapies du microbiote ou de l'épigénome», explique Church. Ces gènes sont déjà bien identifiés par les compagnies pharmaceutiques et des essais cliniques sont en cours.
Gènes d'éléphants et de tardigrades
Pour le généticien Chris Mason, la colonisation de Mars requiert rien de moins que la création d'une nouvelle race, chimérique, d'humain·es. L'homme a conçu un plan de 500 ans: amélioration des connaissances sur le génome humain; production de microbes et modifications génétiques; création de changements durables au sein des colons.
Mason s'intéresse à plusieurs gènes. Parmi eux, celui codant la protéine Dsup, présent chez les tardigrades, permet de résister aux radiations. Et celui codant la protéine p53, qu'on trouve chez les éléphants, diminue le risque de cancer.
Plus surprenant, le généticien envisage de modifier l'ultra résistante Deionococcus radiodurans –surnommée Conan la bactérie– pour la faire vivre dans la flore intestinale ou cutanée des astronautes, ou bien sur les parois des vaisseaux spatiaux. Objectif, là encore, se protéger des radiations.
Certain·es scientifiques voient plus grand. Harris Wang veut implanter pas moins de 250 nouveaux gènes chez l'être humain afin qu'il puisse synthétiser seul tous les acides aminés essentiels.
D'autres veulent doter les astronautes d'une capacité de photosynthèse, ou bien altérer leurs personnalités afin qu'ils s'élancent vers Mars sans peur et sans reproche. Au risque de franchir toutes les lignes rouges éthiques.
Pour Chris Mason, la fin justifie les moyens. «Quelles que soient vos priorités morales, vous devez d'abord [...] établir des environnements habitables dans plusieurs systèmes stellaires, pour éviter l'extinction due à un événement cataclysmique dans un système solaire.» L'enfer est parfois pavé de bonnes intentions.