Comme le rapportait Slate il y a quelques jours, notre bon vieux plancher des vaches a essuyé fin octobre une tempête solaire relativement puissante –ou plutôt et heureusement la magnétosphère. Car celle-ci constitue notre bouclier contre de tels accès de colère stellaire.
Rien qui n'ait véritablement surpris les scientifiques: depuis sa naissance, du moins depuis que l'homme dispose des moyens techniques d'étudier ses humeurs, notre cher astre est coutumier de ces cycles de sommeil et de réveil, qui durent généralement onze ans. Ces dernières phases sont marquées par des orages magnétiques à la surface de l'étoile, qui peuvent à leur tour être responsables d'éjection de masse coronale (CME).
«Ces dernières années, nous n'avons eu que très peu d'activité, comme c'est le cas lors d'un minimum solaire. Mais ça commence à augmenter. Et à augmenter assez rapidement vers le pic du cycle solaire, que nous attendons pour 2025», a expliqué à Space.com Bill Murtagh, spécialiste de la question pour la National Oceanic and Atmospheric Administration américaine.
La bonne nouvelle, c'est que si elle n'a pas été sans effet, notamment sur les grilles électriques exposées, nul dégât sérieux lié à cette récente éruption n'a été rapporté. La mauvaise, c'est que cette éjection de masse coronale n'est sans doute que la première d'une longue, voire d'une très longue série.
Et que n'importe lequel des événements majeurs se manifestant à cette occasion pourrait mettre à genoux la Terre, ses satellites artificiels ou ses installations technologiques au sol, de plus en plus nombreuses et de plus en plus sensibles. Ce fut le cas du «Carrington Event» de 1859, considéré comme la «tempête parfaite». Une autre colère solaire a plongé une partie du Québec dans le noir en 1989.
Bill Murtagh vulgarise le fonctionnement d'une éjection de masse coronale: c'est «un nuage de plasma d'un milliard de tonnes, doté de champs magnétiques. Le Soleil envoie un aimant dans l'espace. Cet aimant parcourt les 150 millions de kilomètres jusqu'à la Terre». Les deux se rencontrent au niveau du champ magnétique qui entoure la planète bleue. C'est là que se forme un orage électromagnétique.
Météo solaire
La plupart du temps, ces éjections sont relativement prévisibles. La tâche de Bill Murtagh consiste à modéliser ces événements en temps réel et à prévenir les fournisseurs d'électricité en Amérique du Nord pour qu'ils se préparent en conséquence. Mais il n'est pas toujours aisé d'anticiper un tel événement.
Certains phénomènes sont beaucoup plus difficiles à modéliser. Ce fut le cas de l'éruption de moyenne importance de début novembre. Celle-ci s'est manifestée sous une forme baptisée «canibalisation». C'est-à-dire qu'une première éjection a créé un passage pour d'autres masses de plasma venant à sa suite, brouillant la lecture de l'événement qui va se produire.
Les scientifiques ne peuvent se figurer une image fidèle des processus à venir que lorsque la tempête atteint un satellite spécialisé du NOAA, le Deep Space Climate Observatory (DSCOVR).
«Les gros événements sont les plus simples, explique Murtagh à Space.com. Celui que nous venons de vivre est un bon exemple d'un enchaînement de phénomènes plus complexes à juger, car ces éjections ne sont ni énormes, ni extrêmes. Chacun d'eux est relativement puissant, mais on ne connaît la structure magnétique de la CME que lorsqu'elle touche le DSCOVR.»
Lorsque cela se produit, il est déjà trop tard: il ne reste plus que vingt à trente minutes avant que la tempête ne touche la Terre. C'est peu. Si des missions telles que la Parker Solar Probe ou le Solar Orbiter permettront aux scientifiques d'étendre leurs connaissances sur la météo spatiale, Bill Murtagh reconnaît qu'il reste beaucoup de chemin à parcourir avant que l'espèce humaine ne soit capable de prédire quelles éruptions causeront quels types de dégâts.
Une chose semble cependant certaine: elles en causeront. Ils pourraient s'avérer majeurs. Si l'humanité ne peut à l'évidence pas dompter son Soleil, sans doute doit-elle très vite apprendre à faire avec les orages qui en sont issus.