Depuis les années 1960, une idée revient régulièrement dans les couloirs de la NASA: et si, pour aller à la conquête de l'espace, on fabriquait une fusée nucléaire? La théorie est séduisante: la densité de l'énergie présente dans l'uranium permettrait d'aller deux fois plus vite sur Mars qu'avec une fusée utilisant les carburants chimiques classiques.
Le voyage ainsi écourté éviterait aux astronautes d'être exposés trop longtemps aux très fortes radiations qui les attendent une fois à l'écart du champ magnétique terrestre, risquant de leur causer des problèmes de santé comme le cancer ou l'infertilité et d'endommager leur cerveau.
«Vous pouvez vous rendre sur Mars avec une propulsion chimique, mais c'est vraiment difficile, indiquait à Wired Bill Emrich, le responsable du programme de la NASA sur les fusées nucléaires. Pour aller au-delà de la Lune, une propulsion nucléaire est préférable.»
En pratique pourtant, seuls huit lancements américains au cours des quarante dernières années avaient à leur bord un réacteur nucléaire.
La mise au point de petits réacteurs nucléaires est complexe (notamment leur refroidissement); elle coûte cher, suppose des délais de certification très longs et produit des déchets toxiques –sans compter que les voyages spatiaux sont déjà suffisamment dangereux pour ne pas ajouter la fission nucléaire à la liste des risques.
Thermique ou électrique
Ces arguments ont ralenti voire paralysé les recherches dans le domaine jusqu'à ce qu'en août 2019, Donald Trump signe un mémorandum présidentiel confiant à la NASA le soin de déterminer les règles de sécurité pour l'envoi d'engins spatiaux contenant des système nucléaires.
Désormais considéré «essentiel pour maintenir et faire progresser la domination et le leadership stratégique des États-Unis dans l'espace», le nucléaire est de nouveau au cœur des expérimentations de l'agence spatiale américaine.
Les procédures administratives ont été grandement simplifiées, et le programme de recherche sur la propulsion nucléaire thermique est financé à hauteur de 225 millions de dollars.
Jeff Sheehy, ingénieur en chef à la NASA, estime que cette technologie est capable de réduire de 20% à 25% le temps de voyage jusqu'à Mars.
Elle s'appuie sur un petit réacteur similaire à ceux présents dans les sous-marins nucléaires: la puissance de la fission de l'atome chauffe un gaz –par exemple l'hydrogène– et l'expulse ensuite à grande vitesse pour créer une propulsion.
La NASA planche également sur la propulsion nucléaire électrique, qui consiste à se servir d'un réacteur nucléaire à haute puissance pour alimenter un système de propulsion électrique comparable à ceux utilisés pour les satellites.
Le procédé serait trois plus efficace que la propulsion thermique nucléaire –du moins en théorie, car aucun prototype n'a encore été construit.