Déposer un brevet pour un nouveau chemin est une idée a priori curieuse: il ne nous viendrait pas à l'esprit de faire payer à des quidams pressés ce petit raccourci par le parc qui nous fait gagner 35 secondes chaque matin.
À la NASA, réclamer des droits pour une trajectoire satellitaire inédite paraît pourtant tout à fait logique. Ainsi de la route qu'elle a imaginée pour viser la Lune à moindre coût, brevetée le 30 juin dernier: le projet représente à la fois beaucoup de travail et un important budget de recherche pour l'agence, et de substantielles économies pour les entreprises intéressées.
L'idée de la NASA consiste à profiter du lancement d'engins plus massifs pour permettre à des astronefs de petite taille d'atteindre, dans un premier temps, l'orbite géosynchrone que les satellites de télécommunication connaissent bien.
Dans une deuxième phase, l'objet peut surfer sur les gravités combinées de la Terre et de la Lune, à coups d'accélérations et de décélérations savamment calculées, pour se défaire de l'orbite géosynchrone et aller se placer en orbite lunaire.
La quantité de carburant à embarquer est alors bien moindre qu'à l'ordinaire, ce qui permet de réduire le poids du vaisseau, l'espace occupé lors du lancement et bien sûr les coûts du voyage.
Âges sombres et matière noire
Le premier satellite à bénéficier de la catapulte spatiale de la NASA sera le Dark Ages Polarimeter Pathfinder, surnommé Dapper. De la taille d'un four à micro-ondes, il embarquera pour une mission cruciale qui pourrait faire avancer la science à bonds de géant.
À l'abri dans un cône de silence, Dapper étudiera les ondes radio à basse fréquence (la raie à 21 centimètres) émises lors des âges sombres de l'Univers et, qui sait, contribuera peut-être à percer l'épais mystère de la matière noire.
Selon Jack Burns, astrophysicien à l'université du Colorado à Boulder et responsable du programme Dapper, l'invention de cette trajectoire relève bien «de la propriété intellectuelle».
La NASA indique de son côté que l'exploitation commerciale de ses savoirs est une norme du secteur. Les sommes demandées sont très raisonnables, la méthode peut financer une partie des recherches publiques et, surtout, elle participe à la dissémination de ses découvertes dans l'ensemble du monde scientifique.
Officieusement, note Business Insider, le plan de l'agence américaine empêche également que des sociétés privées ne verrouillent des technologies spatiales et les proposent pour des sommes exorbitantes, ce qui freinerait la libre marche de la recherche.
Certains autres brevets de la NASA sont rapidement versés au domaine public et deviennent alors librement exploitables par quiconque le souhaite.