Lorsque les nations les plus puissantes de ce monde ont multiplié les lancements de satellites, elles ont probablement oublié un petit détail: ceux-ci n'étant pas destinés à être fonctionnels jusqu'à la fin des temps, il aurait été judicieux de réfléchir dès la conception à un moyen de les recycler ou de les récupérer sur Terre. Au lieu de cela, l'espace commence à ressembler à un dépotoir, se lamente The Christian Science Monitor.
«Je crois que jusqu'à ces dernières années, ce n'était pas un problème de gens irresponsables, commente Nic Ross, mais de gens n'ayant pas pensé l'espace comme une ressource finie.» Fondateur et patron de Niparo, un cabinet de consulting mêlant développement durable et espace, Ross appelle en revanche les agences spatiales à prendre leurs responsabilités.
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Le problème risque d'empirer progressivement, et le simple chiffre de 3.000 nouveaux satellites bientôt lancés par Amazon (qui a reçu l'aval des États-Unis en février) suffit à comprendre pourquoi. Ceux-ci s'ajoutent par exemple aux 3.500 satellites Starlink déployés par SpaceX au cours des années écoulées... en attendant les 7.500 unités supplémentaires bientôt lancées par l'entreprise dirigée par Elon Musk. Des chiffres démentiels, puisqu'à l'heure actuelle, la Terre ne compte «que» 7.200 satellites fonctionnels.
On peut craindre que l'espace se transforme peu à peu en gigantesque déchetterie, mais pas uniquement pour des raisons écologiques. On peut aussi avoir peur que la prolifération des satellites abandonnés finisse par mener à des collisions de moins en moins évitables –une simple question de probabilités.
Au cours de ses vingt-quatre années d'existence, la Station spatiale internationale a dû procéder à une bonne trentaine de manœuvres destinées à l'empêcher de percuter des débris spatiaux qui auraient risqué d'endommager certains modules, mais aussi de mettre en danger la vie des êtres humains présents à bord –ou sur Terre. Et l'on imagine bien le coût temporel et financier que peut représenter la multiplication des opérations de contournement.
Collisions en vue
Or les satellites eux-mêmes sont souvent dans l'incapacité de procéder à ce genre de déroutage, ce qui peut déboucher sur des accidents impressionnants. Ce fut le cas en 2009 lorsque Cosmos 2251, un satellite russe en état d'inactivité, a percuté un satellite de la société américaine Iridium. L'impact a produit des milliers de débris, dont la plupart se trouve toujours en orbite quatorze années plus tard.
«Le plus gros problème que nous rencontrons actuellement vient du fait que des pays testent leurs propres missiles contre leurs propres satellites», ajoute Krystal Azelton, directrice des opérations spatiales de la Secure World Foundation, qui promeut elle aussi des solutions liées à la sauvegarde de l'espace.
Parmi les solutions envisagées, il y a l'emploi de harpons spatiaux (on parle aussi d'aimants remplissant une mission similaire), qui permettent de faire sortir les satellites de leur orbite. Ceux-ci peuvent alors être ramenés sur Terre de façon sécurisée, afin d'être ensuite récupérés et recyclés autant que possible.
Pour aller dans cette direction, l'Inter-Agency Space Debris Coordination Committee a produit un ensemble de règles de conduite à respecter par tous les États et toutes les agences spatiales. On y trouve notamment l'obligation de débarrasser l'orbite terrestre de chaque satellite ayant terminé sa mission depuis plus de vingt-cinq ans. Dans une démarche positive, les États-Unis ont unilatéralement décidé de réduire ce délai à une durée de cinq ans. Le combat conjoint pour maintenir l'espace dans un état correct ne fait que commencer.