Comme l'explique le magazine américain Fast Company, envoyer du matériel scientifique sur un sol extraterrestre coûte extrêmement cher, ce qui limite d'autant les possibilités d'exploration des planètes et lunes du système solaire. Cela tient en partie au coût des lanceurs mais aussi à celui des «landers», ces systèmes destinés à faire se poser en un seul morceau les rovers et autres appareils envoyés aux quatre coins du ciel.
Jusqu'ici, la NASA, comme les autres agences spatiales, comptait sur des systèmes EDL (pour «Entry, descent and landing», soit «Entrée, descente et atterrissage») complexes, lourds et coûteux. Ceux-ci font généralement appel à une symphonie technologique de boucliers thermiques, de parachutes et de fusées dédiée au ralentissement, avec des résultats parfois extraordinaires, mais au prix de nombreux échecs.
Dotés de ces systèmes EDL ayant connu leur pinacle technique avec Perseverance en 2020, dix engins (sur un total de vint-et-un) ont ainsi fini écrasés comme de vulgaires insectes sur Mars, indiquent Fast Company et Wikipédia.
Avec ses airbags géants et en rebondissant, la sonde spatiale Pathfinder, qui s'est posée sur le sol de la planète Mars le 4 juillet 1997, avait tenté une autre méthode –la réussite avait été au rendez-vous, mais l'imprévisibilité générale de la chose la rend impossible à utiliser pour la plupart des matériels à envoyer.
Crash for cash
Si faire atterrir –ou plus précisément se poser– un objet sur une autre planète coûte horriblement cher, le faire s'y crasher est beaucoup moins coûteux. C'est du moins ce qu'ont supposé les scientifiques du Jet Propulsion Laboratory du California Institute of Technology, qui ont conçu un système nommé Shield, pour «Simplified High Impact Energy Landing Device».
L'idée n'est plus de dépenser des sommes folles pour quelques envois de très gros rovers ou matériels, mais d'inventer une méthode permettant de faire suffisamment baisser les coûts pour envoyer des dizaines d'appareils scientifiques vers autant de destinations exotiques, et améliorer ainsi notre connaissance des planètes et lunes qui nous entourent.
Pour résumer très grossièrement les choses, Shield est une méthode cherchant à se passer de tous les mécanismes EDL traditionnels pour faire se crasher, mais en toute sécurité, les matériels envoyés sur tout objet céleste disposant d'une atmosphère.
La chose se présente sous la forme d'un cône renversé, constitué de multiples anneaux. Ceux-ci se compriment lors de l'impact à la surface visée et absorbent ainsi en grande partie l'énergie cinétique d'un choc qui, autrement, serait à l'évidence fatal à la mission et aux délicates technologies qu'elle transporte.
«Ça fonctionne comme la zone de froissement d'une automobile», explique à Fast Company Louis Giersch, patron du projet. «Quand il touche le sol, Shield se compresse et décélère le véhicule, limitant les forces maximales subies par l'engin à quelque chose qui puisse être toléré par des appareils électroniques.»
Et ça marche, du moins sur Terre: les tests en conditions réelles du Shield le prouvent. «Il a touché le sol à 131 pieds par seconde [plus de 143 km/h, ndlr] et a dissipé 98% de l'énergie cinétique. Nous avions auparavant procédé au test d'une version plus petite du Shield à 164 pieds par seconde, la vitesse estimée d'un crash sur Mars.» Placé dans l'engin, un téléphone portable du commerce a survécu comme un charme, preuve que des matériels pensés pour un tel choc pourraient faire au moins aussi bien.
Ce système n'est en revanche pas conçu pour les objets les plus lourds: les équipes en charge du projet ont calculé que la masse maximale de l'engin pour qu'il puisse survivre à son crash contrôlé serait de 220 kilos environ, dont un peu plus de 20 réservés aux appareils que les scientifiques souhaitent envoyer explorer notre voisinage céleste.
En revanche, et bien que les calculs ne soient pas tout à fait achevés, l'envoi d'un tel système pourrait coûter entre 10% et 20% du coût d'un lancement plus classique, avec EDL et tout le tralala spatial nécessaire aux objets les plus lourds comme les rovers.
Cela permettrait donc de multiplier les petites missions, en plus des grosses à la fois beaucoup plus risquées et coûteuses, et de donner un important coup d'accélérateur à notre connaissance de notre environnement galactique immédiat.