Mercredi 15 septembre, SpaceX entrait officiellement dans la dispendieuse danse du tourisme spatial en lançant, depuis le Kennedy Center de la Nasa en Floride et grâce à une fusée Falcon 9, la mission Inspiration4.
Payée par le milliardaire Jared Isaacman, la mission embarque quatre apprentis astronautes dans une capsule Dragon, similaire à celle ayant déjà envoyé Thomas Pesquet dans la Station spatiale internationale.
Sont ainsi entassés pour quelques jours dans cette boîte de sardines de l'espace, Isaacman lui-même, qui prend le rôle de commandant, Hayley Arceneaux, 29 ans, assistante médicale dans un hôpital pour enfant et rescapée d'un cancer pédiatrique, l'ancien de l'US Air Force Chris Sembroski, 42 ans, ainsi que Sian Proctor, professeure et géoscientifique.
Ces touristes de l'apesanteur ont subi un entraînement de cinq mois. Seule Sian Proctor dispose d'une expérience préalable d'isolement quasi-astronautique: celle qui a failli, en 2009, devenir membre active de la Nasa a également participé à la mission HI-SEAS, destinée à simuler in vivo les conditions de vie dans une base martienne.
S'ils ont été soumis à de nombreux tests et simulations de situations critiques, cinq mois d'entraînement ne suffisent bien sûr pas à faire de quatre quidams des astronautes rompus au stress d'une mission complexe où tout peut tourner au vinaigre en un instant, ni à l'extrême promiscuité prolongée que suppose un tel exercice.
Parmi les «worst-case scenarios» auxquels Isaacman, Arceneaux, Sembroski et Proctor ont été soumis, SpaceX a donc imaginé celui où l'un ou l'une des membres de l'équipage venait à perdre ses moyens et à devenir une menace pour l'ensemble de l'équipage, sa propre personne comprise.
L'enfer, c'est les autres
Rien de révolutionnaire là-dedans: la santé mentale des astronautes, en l'occurrence des astronautes amateurs, est scrutée de près pour d'évidentes raisons par les agences –et désormais les entreprises– qui les lancent en orbite, où une quelconque crise violente peut se transformer en désastre.
La Nasa a ainsi mis en place une procédure précise dans le cas où l'une des personnes présentes dans l'ISS craquerait mentalement, traverserait un épisode psychotique ou suicidaire: ses congénères orbitaux devraient alors lui entraver les pieds et les mains grâce à du ruban adhésif, l'attacher fermement quelque part, et lui injecter en urgence des tranquillisants.
Pas un hasard donc, vu la nature beaucoup plus amatrice de la mission Inspiration4, que SpaceX ait pris bonne note des recherches de la Nasa et ait également pensé à cette éventualité.
Raison pour laquelle, quelque part dans la capsule Dragon se trouvent du ruban adhésif et des menottes, destinés à permettre aux trois touristes ayant conservé leur sang-froid d'immobiliser celui ou celle qui se mettrait à vriller dangereusement.
«Parfois, vous savez, il y a un membre d'équipage à qui vous avez envie de botter le cul», a candidement expliqué Sian Proctor lors d'une conférence de presse prélancement. Mais les trente heures de simulations diverses auxquelles les quatres touristes orbitaux ont été soumis n'ont rien révélé de tel, a-t-elle ajouté. «Nous avons vécu ensemble, nous nous sommes amusés ensemble.»
Interrogé sur la question par la journaliste d'Axios Miriam Kramer dans un épisode de son podcast How It Happened consacré au risque, Chris Sembroski a quant à lui expliqué que la survenue d'un tel événement lui semblait presque impossible.
«Personne ne va craquer comme ça, du moins pas de ce que nous avons observé jusqu'ici. C'est juste littéralement “Ok, nous avons ces objets à bord, c'est pour les moins de 1% de chances que quelqu'un ait besoin d'un peu de soutien pour garantir la sécurité de l'équipage”», a-t-il expliqué. Moins de 1%, cela ne fait pas zéro: on n'est jamais trop prudent.