Enjeu sanitaire majeur mais victimes d'une explosion de la demande, les masques sont l'un des principaux nerfs de la guerre contre le Covid-19, l'objet d'âpres batailles commerciales voire de gênants incidents diplomatiques et le symbole de la puissance industrielle de la Chine.
C'est d'autant plus vrai pour les masques FFP2 (nommés N95 aux États-Unis), les seuls qui, correctement portés, sont à même de constituer une barrière efficace contre le SARS-CoV-2 pour les soignant·es les plus exposé·es à la contamination.
Ces précieuses protections étant une denrée rare, conçue pour être jetée après utilisation, la mise au point d'une technique pour les rendre réutilisables est devenue cruciale.
Dans ce contexte d'urgence, Battelle, une organisation de recherche américaine, a réussi à vendre sa technologie à son gouvernement. Celle-ci consiste à placer des masques usagés dans des containers adaptés, où ils sont vaporisés de peroxyde d'hydrogène, puis à les sécher quelques heures avant d'être remis en circulation. Selon l'entreprise (à but non lucratif), le procédé peut être appliqué vingt fois au même masque.
Comme le rapporte le Wall Street Journal, l'administration Trump a déjà prévu un budget de 400 millions de dollars [358 millions d'euros] pour le fonctionnement de ces unités de décontamination, pour le moment au nombre de cinquante. Le montant pourrait même grimper à 600 millions de dollars.
Pratique controversée
À ce jour, les machines de Battelle ont désinfecté quelque 700.000 masques, pour une facture s'élevant à 78 millions de dollars. Il suffit de faire la division: chaque masque, d'une valeur initiale d'environ 5 dollars hors pandémie [4,5 euros], est traité pour 110 dollars [98 euros].
Le coût exorbitant de l'opération, qui devrait certes baisser avec la montée en puissance des solutions de Battelle, n'est pas le seul problème: le concept même de la réutilisation des masques, mêmes désinfectés, est loin de faire l'unanimité.
La Food and Drug Administration (FDA) est plutôt favorable à la pratique, mais les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) ne la recommandent qu'en cas de pénurie totale. De son côté, le fabricant 3M avertit que les méthodes de désinfection comme celles de Battelle n'ont pas été éprouvées et qu'elles pourraient rendre les masques inefficaces.
Si les gestionnaires d'hôpitaux voient d'un bon œil l'arrivée du surplus de masques, nombre de personnels de santé se montrent plus circonspects, sinon inquiets. Des cas d'élastiques cassants, de filtres usés ou de marques d'excrétions ont été rapportés. Des incertitudes planent en outre sur les effets d'une inhalation prolongée de micro-poussières ou de résidus de désinfectant.