L'USNS Arctic ravitaille en mer l'USS Abraham Lincoln le 8 mai 2019. | John Waite / AFP / US Navy
L'USNS Arctic ravitaille en mer l'USS Abraham Lincoln le 8 mai 2019. | John Waite / AFP / US Navy

La marine américaine sonne-t-elle le glas du tout-tactile?

Ces interfaces sont mises en cause dans une collision meurtrière de 2017, et tous les concepteurs de véhicules devraient réfléchir à la question.

Avec la démocratisation des smartphones puis des tablettes, l'écran tactile est devenu l'interface par défaut pour contrôler une machine. Cependant, une institution, et non des moindres, a décidé de s'en débarrasser: la marine nationale des États-Unis.

L'armée a décidé qu'à partir de 2020, ses navires retourneront aux commandes mécaniques d'avant l'arrivée à bord des écrans tactiles.

Interface léthale

Cette décision fait suite à une collision remontant à 2017, au large de Singapour. L'USS John S. McCain s'était mis par erreur en travers du passage d'un pétrolier libérien, tuant dix marins et en blessant quarante-huit autres à bord du destroyer.

L'enquête sur les causes de la collision a conclu que le drame avait été causé par la fatigue de l'équipage, une formation insuffisante mais aussi par des interfaces sur écrans tactiles trop complexes.

Selon le rapport, les accélérateurs mécaniques sont préférables car ils «fournissent un retour d'information à la fois immédiat et palpable à l'opérateur». Les marins auraient alors pu sentir plus tôt qu'il y avait un problème.

«Quand vous regardez un écran, où trouvez-vous la direction? Toujours au même endroit ou faut-il chercher à chaque fois que vous changez d'écran?», questionne l'amiral Lorin Selby chez USNI News. «Le mieux est que le marin puisse tout faire instinctivement, que ce soit la barre, le radar, peu importe.»

L'affordance des écrans tactiles

Ces questions ne devraient pas se poser qu'aux navires militaires. De plus en plus de voitures sont vendues avec un écran tactile trônant au milieu du tableau de bord: les constructeurs automobiles pourraient finir par s'interroger à leur tour sur le danger que peut représenter une telle interface.

Évidemment, le volant et les pédales contrôlent encore les voitures. Mais les fonctionnalités commandées via écran ne sont plus forcément accessoires: dans les Tesla par exemple, l'écran contrôle non seulement la musique et le GPS, mais aussi les suspensions, le mode de direction ou le système antipatinage.

Le nombre de fonctionnalités commandées par écran augmente, et la question de l'affordance, c'est-à-dire la capacité d'un objet à suggérer son utilisation, doit se poser de plus en plus sérieusement. En d'autres termes, la compréhension des commandes est-elle immédiate et intuitive?

Lors d'un entretien avec korii, un concepteur de jeux d'éveil expliquait: «On sait instinctivement à quoi sert une poignée de porte. On a besoin de ça, de ce contact simple, physique et primitif. […] Tout ne peut pas reposer sur un objet, sur un écran.»

Cette affordance est très importante sur un véhicule. Il est par exemple évident qu'appuyer sur le frein relève d'un réflexe devenu naturel après l'apprentissage. Mais que se passerait-il si, par exemple, les feux de détresse ne pouvaient être actionnés qu'après un passage obligatoire sur plusieurs écrans d'une interface absconse? Même les marins de la Navy ont du mal à naviguer entre tant de menus.

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