Il est naturel pour les hauts gradés de toutes les armées du monde d'évaluer les menaces, quitte à les gonfler quelque peu, afin de réclamer plus de crédits aux gouvernements dont ils dépendent –ça fait, d'une certaine manière, partie intégrante du job.
Rapportés par The War Zone, les propos de l'amiral Charles A. Richard, l'un des plus hauts gradés américains et patron du United States Strategic Command, qui a notamment pour mission d'entretenir l'arsenal militaire et la dissuasion nucléaire, font pourtant froid dans le dos.
Selon lui, la guerre actuelle en Ukraine n'est pour les États-Unis qu'un prélude à «une guerre longue» face à leur seul vrai rival militaire: la Chine. Et à en croire l'amiral Richard, celle-ci pourrait survenir plus vite que beaucoup ne le croient.
«Cette crise en Ukraine n'est qu'un échauffement», a-t-il expliqué lors d'un symposium officiel, avant que ses propos ne soient publiés par le ministère de la Défense. «La "big one" arrive, a-t-il poursuivi, évoquant clairement d'un conflit contre Pékin. Et il ne faudra pas longtemps avant que nous soyons mis à l'épreuve comme nous ne l'avons pas été depuis longtemps.»
Or, selon l'amiral Richard, les États-Unis prennent un sérieux retard, alors que la Chine modernise à très grande vitesse l'intégralité de son arsenal.
Sa marine militaire est désormais la plus vaste au monde et continue de s'équiper, comme avec le porte-avions Fujian. Son aviation rivalise avec celle de l'Occident, dont elle embauche des experts pour parfaire la formation de ses propres pilotes. Ses nouveaux missiles font peur, ainsi que les compétences qu'elle a acquises ces dernières années dans le domaine des drones. Quant à ses soldats au sol, il leur est demandé d'être fin prêts pour une guerre contre Taïwan, une éventualité de plus en plus redoutée.
À la bourre, sur tout
L'un des plus gros problèmes, selon l'amiral américain, est le retard pris par les États-Unis dans le domaine des armements nucléaires, alors que la Chine progresse très vite sur ses vecteurs hypersoniques, notamment avec la torpille air-eau dont nous parlions le 16 septembre, tout comme la Russie ces dernières années.
«Nous avons besoin de savoir comment faire les choses rapidement, et nous avons perdu la maîtrise de cet art», se lamente l'amiral Richard. Accélérer la cadence technologique et comprendre les besoins financiers et humains est, selon lui, indispensable.
«Sinon, la Chine va nous passer devant», conclut le militaire, qui s'inquiète que la menace nucléaire, similaire à celle agitée depuis des mois par la Russie en Ukraine, ne redevienne permanente dans les rapports stratégiques entre nations.
«Si nous n'accélérons pas le rythme, si nous ne réglons pas nos problèmes de maintenance, si nous n'allons pas plus vite sur les programmes en cours, nous ne nous mettrons pas dans une bonne position pour maintenir notre dissuasion stratégique et assurer notre défense nationale», a-t-il insisté dans un discours que The War Zone décrit comme l'un des plus sombres tenus par un haut gradé américain depuis longtemps.