Reprise la bouche en cœur par nombre des relais d'opinion du Kremlin à l'Ouest, l'une des raisons invoquées par Vladimir Poutine pour justifier son invasion à grande échelle de l'Ukraine en février 2022 était la crainte que celle-ci n'intègre le grand ennemi: l'OTAN.
Pour le président russe, le maître des échecs aux six coups d'avance, c'est raté, et de beaucoup. Car si l'Ukraine ne fait pas partie de l'OTAN, d'autres pays autrefois neutres, se sentant menacés par la démonstration de force de leur envahissant voisin, ont fait le choix d'adhérer au plus vite à l'organisation de défense mutuelle.
C'est le cas de la Suède et de la Finlande, la seconde ayant officiellement rejoint son groupe de nouveaux camarades armés mardi 4 avril. Qu'est-ce qu'une petite nation comme celle-ci apporte à l'organisation? De grandes choses, explique Newsweek, qui parle d'une capacité à largement «boxer au-dessus de sa catégorie» pour le pays nordique.
Cela commence par l'histoire. Comme nous l'expliquions le 30 mars 2022 à la suite d'un article du Financial Times, la Finlande connaît bien son voisin russe. Elle en a même été le vassal entre 1809 et 1917, quand elle fut placée sous sa souveraineté en tant que grand-duché autonome.
Surtout, elle a souvent croisé le fer avec Moscou et prépare depuis toujours l'intégralité de sa société, de sa population, de son architecture et de son économie à l'éventualité que cela recommence. «Certains disent qu'on a participé à trente-deux guerres contre la Russie, d'autres quarante-deux, s'amusait Jarmo Lindberg, ancien patron de la défense du pays. Tout ce que je sais, c'est que la Russie sera toujours là, et que nous serons toujours prêts.»
L'un des plus fameux épisodes reste la guerre d'Hiver, également nommée «guerre de Finlande» et déclenchée quelques mois après le début de la Seconde Guerre mondiale. Celle-ci a vu Moscou se casser les dents sur un voisin plus faible mais très bien organisé qu'elle tentait –déjà– d'envahir.
Bien des décennies plus tard naissait en mémoire de cette résistance farouche le mème ci-dessous, repris cette fois par l'ambassade américaine en République tchèque pour souhaiter la bienvenue à Helsinki dans l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord.
Vítáme 🇫🇮 pic.twitter.com/bopFKSnJ6x
— U.S. Embassy Prague 🇺🇸🇨🇿 (@USEmbassyPrague) April 4, 2023
Poto Finnish
Et militairement? Militairement, la Finlande n'a rien à envier à d'autres pays beaucoup plus massifs. Côté troufions, son armée permanente compte quelque 23.000 hommes: cela semble maigre, mais rapporté à une population de 5,6 millions d'âmes, ce n'est pas très éloigné des effectifs français.
Mais en cas de conflit, et avec une frontière de plus de 1.300 kilomètres avec la Russie, ces 23.000 professionnels seraient loin d'être seuls: le pays peut compter sur une réserve beaucoup plus massive de 280.000 hommes considérés comme prêts à se battre, voire de 900.000 soldats si l'on compte l'intégralité de la réserve civile, qui doit régulièrement offrir quelques heures d'entraînement au combat à la nation.
Côté matériel, la Finlande a une particularité qui ferait sans doute réfléchir Moscou à deux fois en cas de soudaines velléités d'invasion: elle dispose d'une artillerie nombreuse, puissante, mobile –notamment de plus de canons que la France et l'Allemagne réunies.
Elle possède plus de cent pièces d'artillerie autoportées, dont une quarantaine de très redoutés K9 Thunder coréens ou de vingt-neuf M270 Multiple Launch Rocket Systems (MLRS), ces lance-missiles cousins des M142 Himars qui font tant de mal aux Russes en Ukraine.
Son armée de l'air n'est pas en reste. Si les cinquante-cinq F/A-18 qui composent sa flotte ne semblent pas peser lourd face à la toute-puissance aérienne russe, celle-ci a montré ses faiblesses tactiques et son affaiblissement durable en Ukraine. La Finlande attend également le remplacement de ses efficaces mais vieillissants F-18 par un total de soixante-quatre F-35, la livraison devant s'étaler entre 2026 et 2030.
Surtout, elle a récemment constitué, avec ses voisins scandinaves (Suède, Norvège et Danemark), une «force aérienne viking» forte de 250 aéronefs au total. Non pas une fusion, mais un accord d'intégration tactique et opérationnelle, une sorte d'OTAN dans l'OTAN pouvant tenir tête à quiconque au-dessus de la Baltique. En outre, elle vient d'annoncer l'acquisition du système de défense antiaérienne israélien nommé Fronde de David, et réputé très efficace.
En dernier lieu, la Finlande représente un territoire immense, sur lequel les autres pays de l'OTAN pourraient venir s'entraîner au combat en conditions congelées –un art dans lequel les troupes d'Helsinki excellent.
Il n'est pas encore question d'installer des bases permanentes pour les groupements tactiques de l'organisation dans le pays, comme cela peut être le cas en Hongrie, en Roumanie, en Slovaquie, dans les pays Baltes ou en Pologne. La question pourrait néanmoins vite revenir sur la table, selon la réaction de la Russie et de Vladimir Poutine à cette intégration de la Finlande à l'OTAN.