En tant que fondateur de la célèbre messagerie chiffrée Signal, Matthew Rosenfeld, plus connu sous son pseudonyme Moxie Marlinspike, est l'un des cryptographes les plus en vue du monde.
Pourtant, comme il l'explique dans un récent article sur son blog, le développeur n'est pas un grand fan du monde des «cryptos» et du Web3, promesse d'un internet véritablement décentralisé, débarrassé des plateformes toutes-puissantes comme Facebook ou Amazon.
Marlinspike a donc décidé de créer un NFT. Dans la grande majorité des cas, ce n'est pas l'image qui constitue le NFT qui est hébergée sur la blockchain, mais une URL qui renvoie vers cette image. Le fichier .jpg se trouve donc sur un serveur tout ce qu'il y a de plus classique.
«N'importe qui ayant accès à cette machine, ou le futur propriétaire du nom de domaine, pourra changer l'image, le nom ou la description du NFT, qu'il soit ou non “propriétaire” du token», explique Marlinpike.
Pour illustrer cela, le NFT de Rosenfeld change selon le moyen utilisé pour le visualiser. Ainsi, sur OpenSea, la plateforme d'achat et de vente de NFT la plus populaire, c'est un dessin sur fond vert. Sur la plateforme Rarible, c'est un autre dessin, cette fois sur fond bleu. En revanche, lorsque le possesseur de ce NFT veut consulter son achat dans son portefeuille crypto, il ne peut voir qu'un émoji caca.
Troll et 💩
Comme le précise Moxie Marlinspike, ce NFT n'a rien de particulièrement différent des autres: «Beaucoup des NFT les plus chers pourraient devenir un émoji 💩 n'importe quand, je l'ai juste rendu explicite.»
Cette expérience s'est avérée encore plus accablante lorsqu'OpenSea a décidé au bout de quelques jours de supprimer le NFT. Cela a aussi entraîné sa disparition sur le portefeuille Metamask (un portefeuille crypto populaire) de Marlinspike: étonnant pour un système supposément décentralisé.
La raison à cela est que les portefeuilles ne font souvent que montrer des données fournies par des logiciels tiers (API) qui, eux, interagissent directement avec la blockchain. Or, ces API sont en réalité peu nombreux.
En l'occurrence, MetaMask utilise l'API d'OpenSea pour montrer les NFT. Si l'œuvre de Marlinspike existe bien toujours dans la blockchain, sa suppression de la plateforme entraîne donc aussi sa disparition de MetaMask.
Les internautes sont dépendants des entreprises intermédiaires, qui offrent d'interagir pour eux avec la blockchain. Ces sociétés adoptent donc un rôle de plateformes centrales, et le révolutionnaire Web3 finit par ressembler au bon vieux Web 2.0, la spéculation en plus.