Les effets du dérèglement climatique sont là: l'Arctique est en train de se réchauffer à vitesse grand V. Comme le note Wired, son réchauffement est même quatre fois plus rapide que celui du reste du monde, et la fonte accélérée de son permafrost a de lourdes conséquences. Le niveau de la mer monte, les ours polaires sont en détresse, mais ça n'est pas tout: le réchauffement de cette région est en train de libérer de nombreux agents pathogènes, ce qui pourrait bien avoir des conséquences désastreuses sur la situation sanitaire de notre monde.
En ajoutant à cela les migrations forcées auxquelles sont sujettes certaines espèces animales, contraintes par les changements climatiques de quitter les régions où elles vivaient jusqu'ici, on peut se préparer à des catastrophes d'envergure. Car lorsque des virus inconnus rencontrent de nouveaux hôtes potentiels, le pire peut arriver –souvenons-nous d'un certain SARS-CoV-2.
Dans un article récemment publié, une équipe de recherche de l'Université d'Ottawa raconte ses tentatives de quantifier les risques de contagion de la région arctique. Les scientifiques ont principalement effectué des prélèvements au niveau du lac Hazen, souvent considéré comme le lac canadien le plus septentrional –à quelques petits lacs près. Cette collecte leur a permis de séquencer le matériel génétique des sédiments amassés, mais aussi de certaines espèces animales et végétales présentes sur place.
L'étape suivante a consisté à évaluer les risques que les virus découverts puissent affecter des espèces qu'ils n'avaient pas touchées jusqu'alors. À l'aide d'un algorithme, l'équipe a pu modéliser ce qui risquait de se passer dans les années à venir, en tenant compte du réchauffement progressif de la région.
Mille scénarios dramatiques
Les résultats ne peuvent être conjugués qu'au conditionnel, comme l'indique Stéphane Aris-Brosou, professeur de biologie qui a cosigné l'étude: «Nous ne pouvons pas dire: “Il va y avoir de gros problèmes d'ordre pandémique dans le Haut-Arctique.”» Mais la probabilité que cela arrive est loin d'être négligeable.
En outre, il est tout à fait envisageable que des virus encore inconnus puissent être libérés à mesure que l'Arctique poursuivra son réchauffement. Il convient donc de prendre les résultats obtenus avec des pincettes, puisqu'ils ne donnent qu'une idée très partielle de ce que pourrait être la véritable situation. Mais l'échantillon sur lequel porte l'étude est déjà suffisamment alarmant.
Un chiffre suffit à prendre conscience de l'étendue potentielle des futurs dégâts. Camilo Mora, de l'Université d'Hawaï, a compilé en 2022 les résultats provenant de 70.000 articles scientifiques, pour arriver à la conclusion suivante: 218 des 375 maladies infectieuses connues vont voir leurs effets s'aggraver. «Nous avons trouvé plus de 1.000 scénarios différents dans lesquels le changement climatique peut arriver et nous mordre littéralement le postérieur», explique-t-il. Cela a le mérite d'être clair.