DeepMind, la filiale d'Alphabet connue pour son intelligence artificielle capable de battre les meilleurs joueurs de go ou de StarCraft, s'intéresse désormais à un nouveau domaine: le football.
Grâce à un partenariat avec Liverpool, le champion en titre de la Premier League anglaise, la société a récupéré les données de tous les matchs des saisons 2017 à 2019, récoltées à partir de l'analyse de vidéos et de traqueurs GPS et enregistrant chaque mouvement de joueur et de ballon. Une véritable mine d'or, mais bien entendu impossible à exploiter pour tout cerveau humain.
Pour DeepMind, le football est un moyen unique d'entraîner ses algorithmes dans un environnement contraint. «Un jeu comme le football est super intéressant parce qu'il y a beaucoup d'agents présents, de la compétition et des aspects collaboratifs», explique au Wired britannique Karl Tuyls, chercheur en IA chez DeepMind et qui a rédigé un article sur le sujet. Pour les clubs de foot, l'analyse algorithmique des matchs permet d'améliorer les tactiques de jeu.
L'article a notamment classifié la façon dont les joueurs tirent un pénalty en fonction de leur style de jeu. Les attaquants ont ainsi davantage tendance à viser le coin inférieur gauche des buts tandis que les milieux de terrain ont tendance à tirer plus indifféremment dans les coins gauches et droits. La stratégie optimale étant, sans surprise, de préférer le pied le plus fort du joueur.
D'autres modèles permettent d'estimer dans quelle mesure une action spécifique comme une passe ou un tacle manqué a contribué à un but, ou encore de conseiller des trajectoires alternatives à un joueur, «par exemple en fonction de la tactique de l'équipe adverse», suggère le blog de DeepMind.
Football manager, mais en vrai
«Nos modèles ont également le potentiel de prédire les implications d'un changement tactique, par exemple les conséquences du remplacement d'un joueur clé sur le rendement de son équipe.» Un autre modèle permet quant à lui de détecter l'état de fatigue d'un joueur et de recommander sa mise au repos avant qu'il ne se blesse, rapporte Wired.
«L'application de l'IA au football a le potentiel de révolutionner le jeu sur de nombreux axes, pour les joueurs, les entraîneurs, les responsables de clubs, les fans ou les diffuseurs», vante DeepMind. Cela pourrait aussi démocratiser le football, en aidant à repérer les futures pépites des clubs moins médiatisés.
L'IA ne remplacera pas les managers d'équipes, insiste Karl Tuyls, mais elle pourrait faciliter le travail des entraîneurs et des joueurs. «Au cours des cinq prochaines années, on pourrait voir des “assistants entraîneurs vidéo automatisés” pour l'analyse avant et après match, ou conseillant des changements de jeu à la mi-temps après avoir visionné la première moitié du match.»
Cela constituerait une étape supplémentaire après l'arbitrage assisté par vidéo, approuvé par la FIFA en 2016. Certains regretteront la perte de la spontanéité et de la «glorieuse incertitude» qui font aussi le charme du foot.