Une seconde et quatre-vingt deux centièmes. C'est à peine un claquement de doigt, c'est le temps qu'il a fallu à l'écurie Red Bull pour changer les quatre pneus de la voiture de Max Verstappen au vingt-deuxième tour du Grand Prix du Brésil en 2019. C'est un record du monde qui, depuis, n'a pas été battu.
Il ne le sera peut-être jamais. La Fédération internationale de l'automobile (FIA) ne veut plus de ces arrêts cruciaux qui atteignent à peine les deux secondes lors de courses où tout se joue à quelques instants et où chaque victoire peut rapporter des dizaines de millions de dollars à l'équipe qui s'en empare.
Les incroyables ballets techniques et humains que sont les pit stops (arrêt au stand), dont les moindres mouvements ont été formidablement décortiqués par l'émission Invisible sur Canal+, sont une telle prouesse que l'étude des méthodes utilisées par Williams a pu bénéficier au service de réanimation néonatal d'un hôpital de Cardiff.
Les pit stops éclairs représentent une performance dont Red Bull est devenue maîtresse. Au point de faire grincer quelques dents au sein d'une compétition où les écuries se mènent une guerre incessante et sans merci tant sur les circuits que derrière les coulisses. Un conflit agite particulièrement celles de Mercedes et Red Bull. Si la première domine depuis des années, son avance se trouve de plus en plus menacée par les performances du bolide au taureau rouge.
Après avoir reproché à Red Bull ses ailerons arrière quelque peu trop flexibles en mai dernier, Mercedes lutte cette fois contre les performances un peu trop exceptionnelles dont sa rivale fait preuve dans les stands.
Mercedes estime que de telles prouesses ne peuvent être obtenues par la seule intervention humaine. L'écurie allemande soupçonne la concurrence d'avoir forcé sur l'automatisation de certaines procédures, parmi lesquelles le vissage des écrous par les pistolets ad hoc.
Rythme surhumain
De telles pratiques ne sont pas sans risques. Les incidents dans les stands ont déjà eu des répercussions dramatiques. Augmenter encore la cadence aurait pour conséquence d'éloigner les circuits des standards de sécurité que la FIA cherche à imposer. Cette dernière n'est pas restée sourdes aux complaintes de Mercedes. La fédération a décidé de ralentir le rythme.
À partir du prochain Grand Prix de Hongrie, début août, les écuries n'auront plus l'autorisation d'aller plus vite que la musique –et encore moins de dépasser les limites de ce qui est humainement possible. La nouvelle directive imposée par l'instance dirigeante explique ainsi que toute opération inférieure à 0,15 seconde sera invalidée dès lors qu'un ingénieur se sera servi d'un bouton à l'issue de sa tâche (pour visser une roue, par exemple).
Cette durée correspond au temps minimum de la réaction humaine: en deça de 15 centièmes de seconde, les interventions seront au choix considérées comme une anticipation potentiellement dangereuse de la part de l'ingénieur ou comme une automatisation technique de la procédure interdite par le règlement.
Un temps minimal de 0,2 seconde devra aussi s'écouler entre le moment où les actions sur la voiture à l'arrêt sont terminées et celui où l'autorisation sera donnée au pilote de remettre les gaz.
Imposer aux écuries de freiner leurs ardeurs est un événement rare dans un sport où la vitesse est une reine incontestée. Cela n'empêchera pas les arrêts au stand de rester d'une rapidité spectaculaire: ils ne devraient être allongés que de deux à trois dixièmes de seconde.