Publié dimanche 11 décembre dans le Financial Times (FT), l'article fait l'effet d'une bombe: selon le quotidien britannique, le gouvernement américain s'apprêterait à annoncer une «avancée majeure» dans le domaine de la fusion nucléaire, percée effectuée par le laser de recherche National Ignition Facility (NIF), du laboratoire américain Lawrence Livermore.
Majeure, elle le serait. Historique, aussi: à en croire le FT –l'information est également arrivée jusqu'aux oreilles d'autres journaux, dont le Washington Post–, une expérience menée par ce laboratoire, dont nous parlions il y a peu des progrès autour des champs magnétiques, aurait pour la toute première fois été génératrice nette d'électricité.
Que cela signifie-t-il? Que le Graal énergétique propre et infini que représente la fusion nucléaire pour nombre de scientifiques, de start-up comme d'investisseurs publics ou privés, qui déversent des milliards dans ce rêve décarboné, ne serait plus tout à fait une chimère et que ses promesses se concrétisent peu à peu.
La technique utilisée est dite de fusion inertielle par laser. Contrairement au confinement magnétique et au tokamak, choisis notamment par le Joint European Torus (JET) au Royaume-Uni ou par le méga projet de réacteur thermonucléaire expérimental international (ITER) à Cadarache (Bouches-du-Rhône), ce sont ici des lasers qui bombardent du deutérium et du tritium afin de provoquer la réaction de fusion.
Si les avancées majeures se font à bon rythme, il restait une étape des plus cruciales à franchir pour que le fantasme scientifique devienne une réalité technologique: que la réaction soit génératrice nette d'énergie, donc qu'elle en produise plus qu'elle n'en consomme.
Le soleil vient de se lever
C'est, semble-t-il, ce que s'apprêtent à annoncer les autorités américaines. Selon les sources du Financial Times, la réaction de fusion provoquée par le laboratoire américain aurait produit une énergie de 2,5 mégajoules, soit 120% des 2,1 mégajoules nécessaires aux puissants lasers utilisés par le NIF.
L'an passé, ce dernier avait déjà annoncé avec quelque fracas avoir atteint 1,3 mégajoules, ce qui était déjà à l'époque huit fois plus que le précédent record de la même installation. Bien que l'avenir désirable de centrales à fusion couvrant, sans émissions de CO2ni rejets dangereux, tous nos besoins énergétiques soit encore probablement éloigné de quelques décennies, les choses semblent donc progresser bon train.
«Un diagnostic initial suggère une nouvelle réussite du National Ignition Facility, a indiqué une source souhaitant conserver l'anonymat au quotidien britannique. Néanmoins, les chiffres exacts doivent encore être déterminés et nous ne pouvons pas encore confirmer que nous sommes au-dessus du seuil. Cette analyse est en cours, publier les résultat avant la fin du processus serait problématique.»
Le FT explique en effet également que, toujours selon ses informations, la puissante réaction obtenue par le NIF aurait détraqué certains appareils de mesure, compliquant le calcul exact des résultats finaux de la réaction de fusion, pourtant déjà amplement discutés dans une communauté scientifique aux anges.
Il est par ailleurs précisé que le calcul ne prend en compte que l'énergie nécessaire pour faire fonctionner les lasers, mais pas celle pour les installations dans leur ensemble. Une notable limitation qui n'empêche pourtant pas le moment d'être, peut-être, crucial dans l'histoire de l'humanité.
«Si c'est confirmé, nous sommes en train de vivre un moment historique, s'est ainsi enthousiasmé le physicien Arthur Turrell, auteur d'un livre sur le sujet intitulé The Star Builders. Les scientifiques luttent depuis les années 1950 pour démontrer que la fusion peut générer plus d'énergie qu'elle n'en consomme, et le Lawrence Livermore semble avoir franchi cette barrière.»
If this fusion energy breakthrough is true, it could be a game changer for the world. https://t.co/bSeCnWCE19
— Ted Lieu (@tedlieu) December 11, 2022
Les élus américains semblent très excités par la nouvelle, qui pourrait être officialisée dans les prochaines heures ou les prochains jours par le ministère américain de l'Énergie. «Si cette avancée dans la fusion est réelle, cela pourrait tout changer pour le monde», a ainsi tweeté l'édile californien Ted Lieu dimanche 11 décembre.
«La fusion a le potentiel de sortir plus de citoyens de la pauvreté que tout ce qui a été inventé depuis le feu», avait quant à lui prophétisé Don Beyer, grand défenseur de la fusion au Congrès, lors du lancement d'une nouvelle stratégie de la Maison-Blanche sur l'énergie de fusion.