Les géants des nouvelles technologies sont de plus en plus scrutés afin de déterminer s'ils n'occupent pas de positions trop dominantes sur les marchés, et si cette domination ne se traduit pas par des abus de pouvoir.
L'une des entreprises les plus surveillées est Google, et plus particulièrement ses services de régie publicitaire. À l'image de Facebook, Google tire une immense partie de ses gains de la vente de publicité: 85% de ses revenus totaux proviennent de ses activités publicitaires, soit 116 milliards de dollars (105 milliards d'euros) en 2018.
Mais des entreprises clientes, concurrentes, et même le département de la Justice des États-Unis soupçonnent l'entreprise de profiter de cet exorbitant pouvoir pour écraser la concurrence.
Pour commencer, il faut comprendre comment marche la pub sur internet, un système hautement complexe que présente le Wall Street Journal dans un article doté d'infographies.
Il existe plusieurs acteurs. L'internaute, cible finale de la publicité; la société éditrice, qui offre des espaces publicitaires sur son site; les annonceurs, qui cherchent des espaces pour leurs publicités.
Lorsque vous voyez un encart publicitaire sur un site internet, l'éditeur dudit site a souvent utilisé un ad server. Ce serveur de publicités est un système logiciel qui met en vente l'encart en précisant sa taille, la page sur laquelle il se trouve, etc.
Le serveur de publicité leader du marché s'appelle DoubleClick for Publishers, une entreprise rachetée en 2007 par Google pour plus de 3 milliards de dollars (2,8 milliards d'euros).
Ensuite, pour déterminer quel annonceur va placer une pub sur l'encart, vendeurs et acheteurs sont mis en contact via une plateforme d'enchères automatisées, avec éventuellement un système complexe de critères de ciblage.
Là encore, la plus grande plateforme d'enchères automatisées, Ad Exchange (AdX), appartient à Google. DoubleClick for Publishers et AdX ont d'ailleurs été fusionnés en un seul produit nommé Google Ad Manager.
Synergie publicitaire
La synergie entre ces différents services issus d'une même entreprise pose problème pour certaines personnes, qui accusent DoubleClick for Publishers de favoriser AdX.
Pour s'assurer que leurs espaces publicitaires sont vendus le plus cher possible, les éditeurs peuvent utiliser une technique appelée «waterfalling» –une mise en concurrence, en temps réel et non sans imperfection, des plateformes d'enchères.
Mais DoubleClick for Publishers permet dans certains cas à AdX de couper la file. Le serveur de publicités de Google octroie alors à la plateforme d'enchères de Google un droit de regard sur les historiques de prix fournis par les éditeurs. Si AdX trouve un annonceur capable de payer plus cher que le prix historique observé, son gain de l'enchère est quasi automatique, sans réelle concurrence.
Sentant que les choses (et beaucoup d'argent) lui échappaient, le secteur a essayé d'instaurer un système plus classique dans lequel les ad exchanges sont mises en concurrence. Ce fut sans succès: AdX a refusé de participer et la plateforme de Google a réussi à conserver un avantage décisif et artificiel sur ses concurrentes.
C'est pour ces raisons qu'Elizabeth Warren, qui milite pour la division des GAFA en plusieurs plus petites entreprises, demande à ce que l'acquisition de DoubleClick par Google soit annulée.
Avantage du moteur de recherche
Pourquoi ne pas, tout simplement, utiliser d'autres services que ceux de Google? Parce que tout cet écosystème permet de profiter d'un domaine dans lequel Google n'a aucune concurrence: les moteurs de recherche.
Lorsque vous tapez quelque chose dans la barre de recherche Google, les publicités affichées en haut de la page des résultats sont déterminées par Google Ads (anciennement AdWords). Ce sont sans doute les publicités jouissant de l'une des meilleures expositions d'internet.
Sauf que Google Ads permet également de placer des publicités sur des encarts mis en vente sur AdX. Si bien que de nombreux éditeurs sont dépendants du service. À tel point qu'un ponte d'un groupe de presse interrogé par le Wall Street Journal l'a comparé à «du crack».