En 2010, le prix Nobel de physique fut attribué à Andre Geim et Konstantin Novoselov, deux chercheurs russes, pour leurs travaux sur le graphène. Ce cristal de carbone bidimensionnel, transparent, extrêmement fin et cent fois plus résistant que l'acier est un excellent conducteur électrique et thermique et ses applications potentielles sont nombreuses.
Composant et capteurs électroniques, élaboration de matériaux composites dont les propriétés pourraient s'avérer inédites, amélioration des comportements mécaniques de certains plastiques: les applications potentielles du graphène soulèvent régulièrement l'enthousiasme au sein de la communauté scientifique –notamment depuis que les deux chercheurs russes, qui avaient démarré leurs recherches en 2004, sont parvenus à obtenir cette couche stable de carbone monoatomique.
Devenu star parmi les stars du monde de la physique, le graphène n'a jamais cessé de faire couler de l'encre. C'est ainsi qu'en mars 2018, lors de la réunion annuelle de l'American Physical Society, le physicien Pablo Jarillo-Herrero a fait sensation en dévoilant les étonnantes propriétés quantiques de ce cristal de carbone.
L'un des points forts de la démonstration de ce chercheur de l'Institut de technologie du Massachusetts, raconte New Scientist portait sur le fait qu'un ensemble constitué de deux feuilles de graphène pouvait former un puissant isolant, à conditions que celles-ci soient placées dans des conditions particulières (position relative de l'une par rapport à l'autre, torsion, rotation). Et que dans d'autres configurations, il était possible de les transformer en un ensemble supraconducteur.
Depuis, les spécialistes de la physique quantique n'en finissent plus de trouver des propriétés singulières au graphène, capable par exemple de créer des tourbillons magnétiques. «Ce que ces systèmes ont d'excitant, c'est leur énorme potentiel de surprise», résume Amir Yacoby, de l'université de Harvard. Mais ce qu'il y a d'encore plus excitant, ajoute New Scientist, c'est que la science n'en est encore qu'à l'aube de ses découvertes sur le graphène.
Simple et funky
L'une des particularités de ce matériau est que ses atomes de carbone y sont disposés suivant une structure hexagonale autour de laquelle les électrons, qui disposent d'une grande liberté de mouvement, peuvent virevolter comme bon leur semble, et à une vitesse potentiellement similaire à celle de la lumière.
La finesse absolue du graphène a plus d'un atout, dont celui de favoriser les interactions entre les électrons, qui n'ont pour ainsi dire que deux dimensions (et non plus trois) pour se déplacer. Cela ne manque pas de favoriser les télescopages et les unions inédites, et donc de provoquer des phénomènes électroniques que New Scientist qualifie de «funky». Tout simplement.
Du côté de l'université du New Jersey, l'équipe dirigée par Eva Andrei a découvert qu'à condition de respecter un certain angle de rotation (pas plus de 1,16 degré) d'une première feuille de graphène par rapport à une autre, il était possible d'assister à la soudaine immobilisation des électrons. Même constat du côté de l'université américaine d'Austin et de celle de Tel-Aviv, en Israël: «Les électrons s'arrêtent, résume Allan McDonald, chercheur basé au Texas, ce qui a été une totale surprise pour nous.»
Vu d'ici, le terrain de jeu semble infini. «Nous avons à peine gratté la surface des centaines de systèmes que nous pouvons construire, avec différents composants, différentes géométries, différents degrés de complexité», confirme Pablo Jarillo-Herrero. On n'a pas fini d'entendre parler du graphène et de ses incroyables propriétés, qui déboucheront à coup sûr sur des avancées techniques d'envergure pour peu qu'on le laisse exprimer son plein potentiel.