Les trains ukrainiens, des cibles mais des héros discrets de la guerre. | Fadel Senna / AFP
Les trains ukrainiens, des cibles mais des héros discrets de la guerre. | Fadel Senna / AFP

La guerre en Ukraine est aussi une immense bataille du rail

Dans des conditions folles, le réseau fonctionne.

Ce n'est pas un hasard si, le 17 mars, l'un des proches conseillers du président Volodymyr Zelensky, Oleksiy Arestovich, appelait publiquement à «une guerre totale du rail».

Pas un hasard non plus si l'un des faits saillants avant même le début du conflit fut, fin janvier, le piratage des réseaux biélorusses par quelques hackers désireux de ralentir le flux de soldats et militaires russes vers la frontière avec l'Ukraine.

Car les chemins de fer sont une artère discrète de la guerre en Ukraine, discrète mais vitale pour la survie du pays et de son peuple depuis son invasion par la Russie. Les trains de l'Ukrzaliznytsia continuent, coûte que coûte, à fonctionner.

Certains des nœuds ferroviaires principaux du pays étant encore aux mains des Ukrainiens, organisés au jour le jour selon l'état changeant des réseaux, ils transportent troupes et matériels vers le front ou, à l'inverse, des centaines de milliers de réfugiés vers l'ouest considéré plus sûr. Voire vers la frontière polonaise: comme le note Bloomberg, des Polonais ont même reconstruit et réactivé une ligne vieille du XIXe siècle pour aider à l'évacuation des migrants ukrainiens.

Ils transportent également des tonnes d'aide humanitaire et, alors que les ports de la mer Noire sont bloqués, ont pris à leur charge une partie du transport de marchandises du pays, notamment ces céréales si vitales pour le monde que l'Ukraine a tant de mal à exporter. Rien de simple dans la manœuvre. Ces trains se rendent désormais vers la Pologne, qui ne dispose pas du même système de rails que l'Ukraine, et doit donc prendre le relais avec ses propres trains.

Dès le début de la guerre, tout dans l'Ukrzaliznytsia a été réorganisé autour des aléas du conflits, de ses disruptions permanentes, de ses gares saisies ou libérées, de ses lignes coupées ou de ses ponts détruits, des flux inédits de passagers quittant en panique leurs foyers bombardés.

Un nombre important des près de 250.000 salariés de l'entreprise, employés de bureau, ont retrouvé le chemin du terrain pour organiser les flux et réparer les réseaux. De jeunes retraités ont été appelés à la rescousse. Le tout est dirigé par Oleksandr Kamyshin, patron de 37 ans des chemins de fer ukrainiens, depuis la locomotive de commande à laquelle CNN a consacré un reportage il y a quelques semaines.

Kamyshin et son équipe peuvent donc passer d'une gare à l'autre pour constater l'état des choses sur le terrain et donner les ordres. Aussi mobile que possible, son petit train personnel est un gage de sécurité: cible de choix pour les Russes, il ne reste jamais plus de quelques heures au même endroit pour assurer sa sécurité.

«Notre logique est simple, expliquait le patron à CNN à propos de cette bougeotte permanente autour des points chauds du pays. Si nous avons encore des employés qui travaillent dans une gare, c'est que nous pensons que les choses sont assez sûres pour nous y rendre nous-mêmes.»

Train-train pas quotidien

Comme le raconte le média américain, les hiérarchies et procédures ont été remises à plat, permettant aux hommes et femmes sur place de prendre des décisions rapides, sans avoir besoin de l'aval d'une quelconque bureaucratie, et de les mettre en application sans délai, en temps réel.

Pour absorber les flux de migrants, une décision a été prise: mettre dans les wagons autant de personnes que ceux-ci peuvent en contenir. La logique n'est pas allée d'elle-même: en temps de guerre, un train est une cible convoitée, et un train bondé signifie d'innombrables victimes en cas de bombardement.

La nuit, les trains bondés doivent rouler toutes lumières éteintes, pour ne pas attirer l'œil des Russes. Les communications sont limitées, parfois aidées par le système Starlink fourni par Elon Musk, que les employés de l'Ukrzaliznytsia n'allument qu'en dernier ressort, de peur de faire repérer le convoi.

Chaque jour, partout dans le pays, des milliers de travailleurs réparent les lignes qu'ils peuvent réparer, parfois au beau milieu des bombardements russes. Beaucoup, une cinquantaine, sont d'ailleurs morts en le faisant –dans un train, un conducteur a été tué par une mine qui s'est déclenchée au passage de sa locomotive.

«On nous appelle les “hommes de fer”, explique à Bloomberg l'un des vétérans ukrainiens sortis de sa retraite pour aider son pays et son réseau ferroviaire à fonctionner. Et ce n'est pas sans raison.» Effectivement, les choses auraient sans doute pris un tout autre tour sans la résilience étonnante de ce réseau et de ses travailleurs que rien ne semble pouvoir arrêter.

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