Dans la grande bataille de l'information qui, en parallèle des âpres combats de rue, des tirs de missiles dévastateurs ou de l'utilisation supposée de terrifiantes bombes thermobariques, font de la guerre d'Ukraine le grand conflit hybride qu'elle est, une légende a émergé: celle du «fantôme de Kiev», «the Ghost of Kyiv» en anglais.
Le fantôme de Kiev revient ainsi dans de nombreuses discussions en ligne. Il s'agit d'un pilote ukrainien devenu un «as en un jour»: son MiG-29 aurait, selon la légende, abattu en moins de vingt-quatre heures la bagatelle de six avions russes (deux Su-35, un MiG-29M, un Su-27 et deux Su-25) pour défendre cette capitale ukrainienne que la Russie peine à soumettre.
Reports are coming that a Ukrainian pilot has shot down 6 Russian Aircraft today and might have possibly become the first 21st century fighter ace.
— Visegrád 24 (@visegrad24) February 25, 2022
The pilot, known as “the Ghost of Kyiv” and his MiG-29 were seen in numerous videos from today.
pic.twitter.com/2T7IXIGQAb
Just made this after hearing about 'The Ghost of Kyiv' on here. Godspeed Ukraine! pic.twitter.com/cA4RyzzRrx
— Mason🏳️⚧️🌻 (@Manticore_01) February 24, 2022
As parmi les as, il dispose même sur Twitter de son écusson, et est devenu un thème récurrent des échanges sur les difficultés qu'ont les puissantes armées russes à mettre au pas une Ukraine qu'elle pensait faible, et qu'elle aurait dû écraser en quelques jours.
Mais comme le note l'excellent The Drive, qui consacre un article au Ghost of Kyiv, il est fort probable que ledit fantôme n'existe que dans l'esprit de celles et ceux qui souhaitent y croire.
Baume au cœur
Il est du moins, à ce stade, difficile sinon impossible d'authentifier ces exploits déclarés, ces six avions abattus en quelques heures qui en feraient l'un des pilotes de chasse les plus efficaces depuis la Seconde Guerre mondiale.
To anyone trying to downplay or deny the existence of the Ghost of Kyiv.
— PuckThePuddlePilot (@puckthepilot) February 24, 2022
👏I👏don't👏care👏 pic.twitter.com/5DMY2dNQRd
Malgré les nombreuses vidéos de combats aériens ou de ballets de Su-27 et de MiG-29 publiées sur les réseaux, le simple fait que des chasseurs russes aient été abattus par leurs ennemis volants ukrainiens ne peut, encore une fois à ce stade, être formellement confirmé.
On sait néanmoins que si le commandement russe a fait état d'une supériorité aérienne totale sur le territoire ukrainien dès les premières heures du conflit, avec la prise ou la destruction de nombreux aéroports et bases aériennes, la réalité semble être plus nuancée.
Le renseignement américain souligne notamment depuis le premier jour que cette mainmise aérienne russe n'est pas absolue, et que l'Ukraine dispose encore de défenses sol-air ou de chasseurs valides. De plus, ses redoutables drones turcs Bayraktar TB2 semblent encore capables d'infliger d'importants dégâts au sol.
Ukrainian Bayraktar TB2 armed drones at work. The Russian BUK was destroyed in the area of Malina Zhytomyr region. — Ukrainian military
— Ragıp Soylu (@ragipsoylu) February 27, 2022
Bayraktar TB2 were supplied by Turkey. And they are working very smoothly against the Russian weaponry
pic.twitter.com/n5uzsyJGbK
En outre, et au-delà de centaines de lanceurs sol-air, l'Ukraine pourrait dans les tout prochains jours, et s'il n'est pas trop tard, recevoir d'importants renforts matériels en provenance de pays de l'Union européenne, qui opèrent des chasseurs similaires à ceux sur lesquels les pilotes ukrainiens volent.
Mais le fantôme de Kiev? Il est sans doute un mythe, une légende urbaine. Capacité d'emport, autonomie limitée, base a priori endommagée: The Drive note que la faisabilité même de l'abattage de six avions ennemis par un seul MiG-29 en une seule journée semble des plus douteuses.
Pourtant, si le Ghost of Kyiv est une fable, elle est peut-être une fable capitale pour les jours cruciaux qui se profilent. Pour le moral des troupes comme celui des civils et résistants, l'un des paramètres les plus cruciaux d'un tel conflit, les actes héroïques réels sont un appréciable carburant.
À l'instar de ces images de civils tentant de bloquer de leurs corps l'avancée des tanks russes, ou de l'histoire de ces treize militaires ukrainiens qui, au premier jour de la guerre, ont (sans doute mais pas forcément) payé de leur vie leur refus net de se rendre sur la petite île de Snake Island.
Mais même si elles ne relèvent que du fantasme et de la croyance, les légendes comme celles du fantôme de Kiev ont aussi leur importance. Penser que, quelque part dans le ciel, un ange exterminateur aux qualités quasi surhumaines veille sur l'Ukraine ne peut qu'être un baume au cœur de celles et ceux qui souffrent au sol.