C'est sans doute l'une des plus grandes surprises de la guerre entamée par la Russie en Ukraine: malgré des mois de préparation, la superpuissance de l'Est est entrée dans le conflit avec un degré d'impréparation qui étonne même les plus pessimistes des analystes militaires occidentaux.
Loin du Blitzkrieg sans coup férir dont Vladimir Poutine et ses généraux rêvaient sans doute, la guerre s'enlise, l'Ukraine résiste, les colonnes s'étirent et la logistique défaille.
Partout, les images ahurissantes de matériels détruits ou abandonnés, en panne d'essence ou les récits de soldats manquant de nourriture, les vidéos de simples civils bloquant le passage de blindés russes de leurs corps font de l'armée russe la sidérante (mais néanmoins encore redoutable) risée du monde.
During a march in Melitopol, Ukraine on Tuesday, some people threw themselves on the ground in front of Russian military vehicles to block their path through the city. pic.twitter.com/fQNknxNvdZ
— CBS News (@CBSNews) March 1, 2022
Ces flottements techniques peuvent même être entendus, en direct et sans aucun filtre, par tout un chacun: une partie des forces russes est si mal équipée qu'elle doit s'en remettre aux transmissions radio HF et aux talkies-walkies pour communiquer.
俄罗斯王牌特种部队用国产对讲机?😳段子吧🤔 pic.twitter.com/heRS2BjsY9
— 浩哥i✝️i🇺🇸iA2 (@S7i5FV0JOz6sV3A) February 28, 2022
Le plus fou? Une partie de ces échanges, qui peuvent parfois révéler de cruciales informations tactiques sur ceux qui les émettent ou ceux qui les reçoivent, peuvent être écoutés partout dans le monde par quiconque dispose d'une connexion internet.
I have heard resupply coordination, attack plans, medevac requests. There is an ungodly amount just being sent out for everyone to hear.
— OSINTtechnical (@Osinttechnical) March 1, 2022
En clair et sans décodeur
Comme des cibistes à l'ancienne ou des néo-amateurs d'OSINT (l'«open source intelligence», qui fait des miracles lors de ce conflit), il est ainsi possible de se connecter à ce site par exemple, de tripoter quelques réglages et de se mettre à scruter les ondes radio pour y découvrir de drôles de choses.
Vous pourrez bien sûr tomber sur les programmes de radios asiatiques lambda ou des conversations entre camionneurs zambiens, mais certains sites sont spécialisés dans la surveillance des fréquences utilisées par les unités russes déployées en Ukraine et mettent à disposition certains enregistrements très surprenants de conversations militaires en clair entre soldats perdus.
Surprenants, il le sont; révélateurs, encore plus. Comme le note le Telegraph, qui a écouté plusieurs heures de ces communications entre militaires russes, ce sont des troupes perdues, dans le doute quant aux ordres donnés, notamment ceux de bombarder des zones peuplées de populations civiles, stressées par le manque de soutien logistique –voire parfois désobéissantes– que l'on entend.
«Nous avons découvert que les soldats russes sont en plein désarroi», explique au quotidien britannique Samuel Cardillo, fondateur de ShadowBreak. «Ils n'ont aucune idée de ce qu'ils sont en train de faire, ni comment communiquer comme il faut entre eux.»
For the 1st time in a modern conflict, the regular forces of Russia are communicating without digital mode, making them fully audible by everyone.
— ShadowBreak Intl. (@sbreakintl) March 1, 2022
A story documented by Nicholas Laidlaw (https://t.co/zPyhfSbEQW) might explain that the cause would be bad logisitic preparation. pic.twitter.com/eitSovjuN7
«C'est comme de se brancher sur la fréquence de la police aux États-Unis. Les Russes communiquent en analogique. Donc quand ils demandent du soutien aérien, ou n'importe quel type de soutien, on entend les hélicoptères ou les jets», commente encore Samuel Cardillo, qui note à quel point ce manque de chiffrage rend les communications vulnérables aux écoutes (ou aux brouillages) des forces ukrainiennes ou de celles de l'Otan, à proximité.
«Il y a eu des moments où nous les avons entendus pleurer pendant des combats, ou s'insulter entre eux –à l'évidence pas vraiment le signe d'un moral au plus haut. Il y a eu un exemple où ils se sont tirés dessus, d'autres où on les entend discuter du rapatriement de corps à leur base.»
Selon des sources citées par le Telegraph, le moral est si bas pour ces jeunes soldats, peu préparés, qui ne savaient pas réellement ce qu'ils s'apprêtaient à faire et à qui on avait expliqué qu'ils seraient accueillis en héros, que beaucoup font tout simplement défection.