Nous sommes en l'an de grâce 1977. Avec la «Trinité» Apple II, Commodore PET et TRS-80, le monde découvre, stupéfait, la toute-puissance de l'ordinateur personnel et de son micro-processeur.
Malgré les monts et merveilles promis par les commerciaux d'antan, ces grosses machines à écrire, qui nécessitent d'être reliées à un téléviseur, ne permettent alors pas grand-chose, excepté programmer en BASIC, s'instruire… et jouer.
Des milliers d'utilisateurs concoctent leurs propres programmes et se les échangent sur le seul support de stockage accessible à l'époque, la cassette audio. Le piratage explose: des copies de logiciels propriétaires circulent entre geeks, quand ce ne sont pas des logiciels maison qui tournent sous le manteau.
À l'aube des eighties, des ingénieurs du diffuseur audiovisuel néerlandais Nederlandse Omroep Stichting (NOS) ont une épiphanie technique: ils réalisent que, puisque les logiciels de l'époque sont stockés sur des cassettes audio, il est possible d'émettre des flux de données à la radio pour que les utilisateurs les enregistrent.
Le téléchargement par ondes sonores est né. Rapidement, NOS développe une émission, Hobbyscoop, pour diffuser ses programmes. Les auditeurs n'ont qu'à brancher la sortie audio de leur poste de radio à l'entrée de leur ordinateur, et les données s'écrivent sur bande. Pour le non-initié, le son qui sort de la radio ressemble à ceux de nos modems ancestraux.
Vie et mort du Basicode
Forcément, tout n'est pas parfait. Chaque séquence de données devait être diffusée quatre fois, et la moindre interférence de signal rendait le téléchargement incomplet.
En 1982, frustrés des incompatibilités entre les machines, les ingénieurs néerlandais développent un standard de traduction du BASIC pour chaque appareil, Basicode, surnommé «l'espéranto pour ordinateurs», qui connaîtra deux évolutions importantes en 1984 et 1986.
Les applications en Basicode, appelées bascoders, sont téléchargées aux Pays-Bas et jusqu'en Allemagne de l'Ouest, rappelle le musée virtuel dédié à Hobbyscoop. En dix ans, NOS diffusera plus de soixante programmes, dont de nombreux jeux vidéo.
En Europe, l'idée fait des petits, se souvient Interesting Engineering. En Yougoslavie, l'émission Ventilator 202, animée depuis Belgrade par le DJ Zoran Modli, se met à son tour à diffuser des programmes informatiques. Entre 1983 et 1986, elle diffusera environ 150 programmes ainsi qu'un journal électronique, sous la forme d'une application de lecture.
En Angleterre, la radio de Bristol Radio West se lancera dans l'exercice, inaugurant son émission Datarama par une image de Cheryl Ladd, star du Charlie's Angels de l'époque, au grand plaisir des détenteurs de TRS-80 et autres ZX Spectrum.
À la fin de la décennie, c'est finalement l'arrivée des processeurs 16 bits et de la disquette qui mettra fin à la pratique, les programmes étant trop gros pour être transmis par les ondes.