En octobre, Photo Roulette est devenue l'application la plus téléchargée aux États-Unis. Elle fonctionne ainsi: un groupe d'ami·es, jusqu'à quarante-neuf personnes, lance une partie; l'application sélectionne au hasard une photo présente dans le téléphone de l'un·e d'entre elles ou eux et la montre aux autres pendant cinq secondes; les autres doivent ensuite deviner à qui cette photo appartient; une partie dure quinze tours.
On imagine bien les risques liés à une telle application, mais ce n'est pas forcément le cas des adolescent·es qui jouent à Photo Roulette –bien que l'application soit théoriquement interdite aux moins de 16 ans.
Certain·es ont confié au Wall Street Journal que des photos intimes ou des captures d'écran de sextos étaient apparues dans le jeu. Même après avoir fait le tri dans ses photos, une adolescente a vu surgir son numéro de sécurité sociale, envoyé via MMS par sa mère.
Un aspirateur à données
Les photos n'étant montrées qu'à un groupe restreint de personnes, l'application a été approuvée par Apple comme Google. Les garde-fous sont néanmoins limités. Un avertissement conseille de supprimer les photos sensibles ou privées avant de jouer. Une case doit être cochée pour indiquer que l'on est âgé·e de plus de 16 ans et que l'on accepte les conditions générales d'utilisation –lesquelles sont plutôt gratinées en ce qui concerne le respect de la vie privée.
En plus de collecter les photos et leurs métadonnées, Photo Roulette peut prélever des informations sur ses utilisateurs et utilisatrices dans des bases de données publiques et sur les réseaux sociaux.
Ces données peuvent être partagées avec des tiers –l'application diffuse d'ailleurs de la publicité dans sa version gratuite. Elles sont conservées pendant six mois, à l'exception des photos qui ne sont stockées que vingt-quatre heures.
«Si les métadonnées des photos sont combinées avec votre empreinte sur les réseaux sociaux, c'est un accès à votre vie privée plus important que vous ne l'auriez imaginé», explique Christine Elgersma, de l'ONG Common Sense Media. «La prise de risques fait partie du développement de l'enfant, il y a donc quelque chose de fondamentalement amusant là-dedans. Mais je n'ai jamais vu un jeu pareil.»
En 2019, Photo Roulette a été téléchargée 9 millions de fois.