Le gouvernement américain vient d’annoncer un jeu-concours pour le moins surprenant. L’Intelligence advanced research projets agency (IARPA), qui finance des études pouvant bénéficier aux espions américains, promet des milliers de dollars à qui pourra l’aider à construire un détecteur de mensonges.
Les participantes et participants devront proposer la méthode la plus efficace pour évaluer les indicateurs de crédibilité d'une personne interrogée. Les gagnantes ou gagnants (les «champions de la crédibilité») se partageront des sommes allant de 5.000 à 40.000 dollars (de 4.400 à 35.000 euros environ).
Sur le site dédié au concours, l’IARPA explique que «malgré de lourds investissements dans la recherche, un ensemble rigoureux de méthodes valides pouvant aider à déterminer la crédibilité d’une source [...] reste difficile à obtenir». Car, contrairement à ce que l’on peut voir dans les films hollywoodiens, les détecteurs de mensonges sont très loin d’être au point.
Le système le plus couramment utilisé est le polygraphe, une machine bardée de capteurs qui mesurent la pression sanguine, le rythme cardiaque, la respiration et d’autres indicateurs du stress. Le polygraphe est, par exemple, systématiquement utilisé par le Federal Bureau of Investigation (FBI) dans son processus de recrutement, ainsi que dans certaines enquêtes de police, notamment pour pousser un présumé coupable à des aveux «spontanés».
Problème: le polygraphe n’est pas infaillible, loin de là. Une étude du conseil national de la recherche des États-Unis avait conclu, en 2003, qu’il n’existait aucune preuve scientifique formelle de son efficacité. Certaines personnes ont déjà réussi à berner le test, notamment des espions très entrainés. En outre, ses résultats n’ont aucune valeur juridique.
Moderniser l’espionnage
Le polygraphe est une machine archaïque: il a été inventé en 1921, et n’a subi depuis que des modifications mineures. Les gouvernements souhaitent donc explorer de nouvelles pistes technologiques pour permettre de détecter lorsqu’une personne ment –et, comme souvent ces derniers temps, les espoirs reposent en grande partie sur l’intelligence artificielle.
Une machine notamment, nommée AVATAR, est testée par le Canada, les États-Unis et l’Union Européenne. Un visage, par écran interposé, pose les questions. Les réactions des personnes interrogées sont mesurées par des capteurs qui analysent les yeux, les mouvements, les expressions faciales et tout autre indice de mensonge. Très sécurisés, les aéroports sont pour l'instant les principales zones d'expérimentation de ce nouvel outil.
Mais ce dernier ne règle pas le problème sur lequel butait déjà le polygraphe. Comme le résume Jay Stanley, un membre de l’ACLU, une organisation de défense des droits civils: «Le problème fondamental avec les détecteurs de mensonges est qu’aucune relation entre votre état mental interne et des stimuli extérieurs n'a été prouvée.»
On touche ici au cœur du sujet: si, en dépit de dizaines d’années de recherches, aucune preuve scientifique du mensonge ne peut être apportée et validée, c’est peut-être tout simplement parce qu'il est impossible de déterminer avec certitude si une personne ment. Et tous les concours du monde n'y pourront sans doute rien.