Le site Digital Trends, qui rapporte le projet, pose d'emblée la comparaison: dans le bon vieux Starfighter de 1984 ou dans le plus récent La Stratégie Ender, adapté d'un roman du même nom paru en 1985, l'armée camoufle le recrutement de ses as derrière des jeux vidéo.
Impossible de ne pas penser à de la science-fiction en découvrant le très sérieux projet mené par l'université de Buffalo, dans l'État de New York et financé par l'agence de recherche du Pentagone, le Darpa, à hauteur de 316.000 dollars (290.000 euros).
Il ne s'agit pourtant pas ici, comme dans les œuvres susnommées, d'entraîner des gamers mais, à l'inverse, d'utiliser leurs compétences propres et le caractère unique de leur intuition pour former des machines. Un modèle qui repose davantage sur des essaims de machines et des armées de robots devant coopérer comme un collectif que sur une somme d'individus, dans des situations complexes.
Apprendre l'instinct
Pour les besoins du projet, vingt-cinq joueurs ou joueuses sont placé·es devant un jeu de stratégie en temps réel, semblable à Starcraft –collecte de ressources, construction de base et d'unités et conception d'une tactique face à l'ennemi. Chacune des vingt-cinq personnes seront affublées de l'appareillage permettant une électroencéphalographie, elle aussi en temps réel.
L'analyse de l'activité de leurs cerveaux et de leurs réactions à chaque instant ainsi qu'un suivi occulaire serviront ensuite à nourrir et entraîner une intelligence artificielle conçue par l'équipe chargée du projet et spécialisée dans l'animation de ces ensembles de robots.
Selon Souma Chowdhury, apprendre ainsi de l'instinct humain permet de grandement accélérer le processus d'initiation du logiciel. Comprendre les décisions tactiques et stratégiques que des gamers doivent effectuer dans l'urgence de l'action, leur domaine d'excellence, signifie aussi comprendre ce qui motive ces choix –l'instinct serait ainsi un mouvement intérieur susceptible d'être appris et enseigné.
«Une grande partie de l'engouement que l'on observe autour des intelligences artificielles réside dans des applications à des environnements plutôt déterministes. Mais en matière de raisonnement contextuel, dans un environnement réel et pour faire des choses concrètes? C'est encore embryonnaire», explique Chowdhury à Digital Trends.
L'équipe espère pouvoir entraîner des groupes de 250 machines terrestres et aériennes peu coûteuses à collaborer pour s'acquitter de tâches complexes, sans avoir recours à des robots ultra coûteux.