Intel continue à traîner comme un boulet ses problèmes de fabrication et à entamer la production de puces gravées en 7 nanomètres, garantie d'un meilleur raport entre performance et dépense énergétique.
De l'autre côté du monde, le géant taïwanais TSMC peut à l'inverse fièrement parader, disposant de trois coups d'avance sur son rival: la firme a annoncé préparer ses usines pour la production en masse dès 2022 de puces gravées en 3 nanomètres, suite logique du passage de 7 à 5 nanomètres effectué en 2020.
Les puces que TSMC promet trouveront leurs usages dans les smartphones, la 5G notamment ou, précise le South China Morning Post, dans des ordinateurs haut de gamme. Nvidia et Qualcomm seront les premiers acheteurs de ces puces de prochaine génération.
Le coup porté à Intel est symbolique de la débâcle lente dans laquelle elle semble empêtrée. Fin décembre, le gestionnaire du hedge fund activiste Third Point LLC, Daniel Loeb, demandait publiquement à la firme d'étudier la possibilité de sous-traiter une partie de sa production. Un camouflet pour une entreprise ayant fait une partie de l'indépendance et de la fierté technologique américaine.
Sa voix, ainsi que celle du milliard de dollars que son fonds détient dans le capital d'Intel, semblent avoir été entendues. Quelques semaines plus tard, l'entreprise annonçait le départ de son CEO Bob Swan, remplacé par l'ingénieur star et ancien de la maison Pat Gelsinger.
Virage historique
À charge pour ce dernier de redessiner une stratégie pour Intel, débordée non seulement par TSMC, mais aussi par la rutilante puce maison M1 d'Apple, par la très véloce gamme Ryzen d'AMD ou par les annonces fortes de Samsung en matière de microprocesseurs.
Si Intel continue à présenter des bilans financiers globalement positifs, portés par la demande accrue en ordinateurs personnels lors de la pandémie de Covid-19, les analystes n'auront pas manqué de constater que son avance en son royaume des data centers commençait à s'éroder.
Or, comme tous les autres par ailleurs, c'est aussi un secteur sur lequel lorgnent ses concurrentes, armées de processeurs de plus en plus compétents –souvent davantage même que les siens propres.
Pat Gelsinger se retrouve donc à la croisée des chemins et à un moment particulièrement dangereux pour l'entreprise qu'il dirige désormais.
Il peut choisir d'accélérer la progression technologique d'Intel et la lancer à la suite de ses concurrentes, sur un territoire qu'elle a le plus grand mal à maîtriser –au risque d'échouer et de s'enfoncer plus encore dans la crise.
À l'inverse, il peut imposer un virage historique à Intel en séparant design et fabrication des microprocesseurs et, si tant est qu'elles l'acceptent, en s'appuyant sur l'avance de ses rivales pour continuer à sortir des produits concurrentiels.
C'est alors ce qui reste de son savoir-faire qui pourrait souffrir, créant une dépendance définitive à des entreprises tierces qui pourraient un jour, par intérêt commercial ou revirement géostratégique, décider de brutalement couper les ponts.