Première étape de la reconquête de la Lune par la NASA, le lancement de la fusée Artemis première du nom, lundi 29 août, aurait dû signifier le retour de l'agence américaine sur le devant de la scène des lanceurs spatiaux, grâce à son monumental Space Launch System (SLS).
Las. Malgré l'excitation, les moyens et les invités prestigieux, notamment la vice-présidente Kamala Harris, l'énorme engin n'a pu décoller de son pas de tir, cloué au sol à cause d'un problème lié au remplissage en carburant.
Ce dernier n'a rien d'une sinécure, ainsi que l'explique Quartz. Pour que ses quatre puissants moteurs puissent délivrer leur poussée totale de plus de 4.000 tonnes au décollage, soit 15% de plus que la vieille et grosse fusée Saturn V, ils doivent être alimentés en hydrogène et oxygène liquides, stockés en quantité astronomique dans le corps de l'appareil.
Mais pour atteindre ces centaines de tonnes, les ingénieurs doivent pour les contracter refroidir l'hydrogène et l'oxygène à des températures extrêmement basses, respectivement -253°C et -145°C.
Cela nécessite des matériaux spéciaux –le réservoir principal rétrécit de plusieurs centimètres lorsqu'il est plein de ces liquides «super-refroidis» («super-cooled», pour la NASA)– et une tuyauterie à toute épreuve.
C'est d'abord l'un de ces tuyaux qui a posé problème, avec une fuite qui a nécessité d'arrêter puis de reprendre le processus de remplissage. «Oui, la NASA a effectivement résolu le problème en éteignant puis en rallumant le SLS», écrit ainsi Eric Berger dans Ars Technica.
Malgré la précipitation, la manœuvre a réussi et le remplissage a pu reprendre. C'est ensuite qu'est intervenu le point bloquant: avant le lancement à proprement parler, un peu de carburant est envoyé vers les réacteurs du SLS pour les faire chuter à 5°C. L'un d'entre eux n'a jamais atteint la température requise, et la NASA a dû se résoudre à annuler le départ d'Artemis-1.
Artemis monde
Mais comme le note Eric Berger, cet écueil final, intervenu dans les toutes dernières étapes précédant le décollage du SLS, n'est peut-être pas vraiment une surprise: jamais la NASA n'avait ainsi réussi à mener à son terme un test de remplissage avant le jour J.
Quatre «wet dress rehearsals», des essais de remplissage de carburant supposés mener jusqu'à T-10 secondes avant l'allumage des réacteurs, ont bien eu lieu en avril 2022. Pourtant, aucun d'eux n'est allé tout à fait au bout et tous ont été à chaque fois interrompus par divers pépins.
L'agence américaine affirme avoir réussi à atteindre T-29 secondes en une occasion. Sauf que pour ce faire, elle a dû forcer ses ordinateurs à ignorer la fuite d'une petite conduite d'hydrogène –plus petite que celle ayant empêché le décollage de lundi.
En masquant cette panne, la NASA n'a pu mener à son terme le refroidissement des réacteurs, fautif lundi. «Si elle avait pu le faire, l'agence aurait sans doute découvert le problème ayant causé l'arrêt de la procédure lundi», écrit Berger.
«Avec le recul, la NASA aurait sans doute dû compléter un "wet dress rehearsal" complet avant de penser à un lancement à proprement parler. À la place, l'agence a en réalité réalisé lundi un cinquième test de remplissage, alors que le monde espérait un lancement.»
Celui-ci pourrait néanmoins avoir lieu vendredi 2 septembre, si les problèmes peuvent être réglés d'ici là, et si d'autres n'en profitent pas pour surgir.
Dans le cas contraire, la fusée devra être à nouveau tractée vers ses quartiers d'hiver, avant peut-être une nouvelle tentative en octobre –chacun de ces déplacements la met à rude épreuve, et peut être la cause de nouvelles pannes.