Après l'invasion de l'Ukraine par Vladimir Poutine, Nokia s'est joint au cortège d'entreprises ayant décidé d'interrompre leurs activités en Russie.
Seulement, d'après une enquête du New York Times, ce sursaut éthique de l'entreprise de télécommunications finlandaise est quelque peu tardif: pendant des années, Nokia a en effet aidé le pouvoir russe à mettre en place son réseau de surveillance.
D'après des documents obtenus par le NYT, l'entreprise est largement impliquée dans le développement d'un outil appelé «Système pour activités d'enquêtes opérationnelles» («System for Operative Investigative Activities» ou SORM), utilisé par le Kremlin pour surveiller les réseaux de communication.
Cet outil sert au FSB à mettre des lignes sur écoute, à intercepter mails et SMS et à traquer les connexions internet. Il aurait entre autres été utilisé pour espionner l'opposant Alexeï Navalny et pourrait l'être aujourd'hui pour surveiller les mouvements d'opposition à la guerre en Ukraine.
Collaboration active
Nokia assure n'avoir jamais directement développé, fabriqué ou installé les équipements et logiciels d'espionnage. Des affirmations qui semblent vraies, mais qui n'éludent en rien la responsabilité de l'entreprise dans le fonctionnement du système.
D'après le journal new yorkais, Nokia a fourni durant cinq ans les équipements et l'assistance technique nécessaires aux services de renseignement afin de connecter le SORM au réseau de Mobile TeleSystems, l'opérateur principal de Russie.
Selon un spécialiste du renseignement russe, Andreï Soldatov, sans l'implication de Nokia, «il aurait été impossible de construire un système pareil. Ils devaient savoir comme leurs produits seraient utilisés». Nokia n'a pas contesté l'authenticité des documents du NYT.
Tous les gouvernements disposent de capacités d'écoute et de surveillance, mais d'ordinaire, ils ont l'obligation légale d'obtenir l'autorisation d'un juge. Né dans les années 1990, SORM peut être utilisé au bon vouloir des autorités.
Notons néanmoins que Nokia est loin d'être la seule entreprise à collaborer avec des gouvernements, autoritaires ou non, afin de faciliter la surveillance de leurs citoyens.
Apple, Microsoft, Facebook, Google, Intel: toutes les entreprises majeures des nouvelles technologies ont été ou sont impliquées de près ou de loin dans des des opérations de surveillance ou de censure, en Russie, en Chine comme aux États-Unis.