L'intelligence artificielle doit être entraînée à distinguer un gratte-ciel d'une araignée. | Ali Zolghadr via Unsplash
L'intelligence artificielle doit être entraînée à distinguer un gratte-ciel d'une araignée. | Ali Zolghadr via Unsplash

Derrière l'IA, des petites mains sous-payées

Pour développer leurs intelligences artificielles, les entreprises emploient des milliers de personnes mal rémunérées.

Si on parle souvent d'entraîner une intelligence artificielle, c'est parce qu'avant de pouvoir interpréter quoi que ce soit, elle doit être nourrie avec beaucoup de données récoltées par des armées d'individus qui brassent des milliers de phrases ou d'images et les libellent afin que l'IA puisse les digérer.

Ces nouveaux travailleurs à la chaîne, les économistes les appellent «métayers de l'intelligence artificielle». Dans le langage agricole, le métayer est la personne à qui le propriétaire d'un terrain confie la tâche de cultiver les champs en échange d'une partie de la récolte. Ici, le créateur ou propriétaire de l'IA va confier à un métayer numérique la tâche de nourrir l'IA contre rémunération.

Les requêtes n'ont aucune limite mais pour donner un exemple, une entreprise pourrait demander à un Brésilien de trouver des centaines de manières de dire «éteindre» en portuguais –depuis les synonymes évidents comme «appuyer sur l'interrupteur», aux expressions plus abstraites ou éloignées comme «noir».

Cette labellisation des images ou des données pour l'IA est un passage obligé: elle a besoin que quelqu'un mette des noms sur ce qu'elle voit. Certes, une intelligence artificielle peut ingérer des centaines de scénarios et analyser simultanément des milliards de données, mais elle est incapable de faire la différence entre un arbre et une voiture si un être humain ne la lui indique pas. Ou entre un gratte-ciel et une araignée.

Le juste prix du marché

Un travail aussi fastidieux que précieux qui requiert souvent peu de compétences: les métayers de la donnée sont donc payés comme de la main d'œuvre bon marché (aux États-Unis, cela revient à 7 à 15 dollars de l'heure; en Malaisie, 2,50 dollars de l'heure).

Cette manière de procéder, qui avantage les entreprises développant l'intelligence artificielle, est souvent présentée comme un moyen de créer de l'emploi dans les zones rurales: «Nous créons du travail qui n'existait pas dans le numérique», affirme Nathaniel Gates à Axios. Ce directeur général d'Alegion, une plateforme de crowdsourcing au Texas, emploie lui-même de nombreux métayers de l'IA. «La plupart du temps, les gens qui font ça viennent des fermes, de l'agriculture ou des usines qui n'avaient plus de travail à offrir à cause de l'automatisation.»

Mais ces tâches peu rémunérées bénéficient plus aux entreprises qu'aux employés. La chercheuse Mary Gray, coautrice du livre Ghost Work, pose la question de la juste rémunération de ces nouveaux ouvriers –et donc de leur valeur. «Les économistes ne savent pas comment s'y prendre pour donner un prix au marché», explique-t-elle à Axios.

Pour le moment, résume James Cham, partenaire de la société de capital-risque Bloomberg Beta, payer si peu ce travail est «une grande décision arbitraire». Gray imagine difficilement que le marché parvienne à améliorer les rémunérations. Il faudrait selon elle que les gouvernements encadrent ces nouveaux emplois, et vite, car d'après l'entreprise de recherche Cognilytica, le marché du label de la data devrait atteindre un milliard de dollars d'ici fin 2023.

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