Le 19 mars 2021, le Pakistan a inauguré à Karachi sa plus grosse centrale nucléaire, d'une capacité de 1,1 GW. De quoi doubler sa puissance nucléaire actuelle, constituée de quatre autres réacteurs. Une nouvelle unité est encore attendue dans les prochains mois, mais la principale information à noter est que ce réacteur est le premier de technologie 100% chinoise à être exporté à l'étranger.
À l'heure où l'Europe, les États-Unis et le Japon se sont tous engagés dans un retrait progressif du nucléaire (le plan Climat de la France prévoyant par exemple de ramener à 50% la part du nucléaire dans le mix électrique d'ici à 2025), la Chine entend bien profiter des industriels occidentaux embourbés dans les difficultés à la suite de la catastrophe de Fukushima en 2011.
Le Hualong-1, présenté comme «le plus haut niveau de l'industrie chinoise en matière de fabrication nucléaire», est ainsi destiné à devenir son fer de lance à l'international.
Le pays s'active déjà chez lui depuis plusieurs années. Sur les soixante-douze réacteurs nucléaires en construction dans le monde, trente se trouvent en Chine et le pays en a encore cinquante-neuf en projet, selon la Société française d'énergie nucléaire.
Le pays entend doubler la part du nucléaire dans sa production d'électricité pour la faire passer à 10% en 2035, ce qui implique de construire six à huit centrales par an.
Mais après s'être appuyée sur des technologies étrangères, avec notamment deux EPR français construits à Taishan, sur la côte sud, la Chine entre à présent dans le club fermé des pays détenant leur propre design de centrale numéraire de troisième génération. Et compte bien en faire un outil diplomatique de choix.
«Nouvelle route de la soie» (et de l'atome)
Si pour l'instant le Pakistan est le seul client international de Hualong-1, une douzaine d'autres pays seraient intéressés, dont l'Égypte, l'Argentine et même le Royaume-Uni (bien que les discussions aient été récemment suspendues en raison des dissensions entre les deux pays).
«Les centrales chinoises sont peu coûteuses et utilisent des techniques plus simples que beaucoup de celles construites en Occident», remarque l'analyste Nick Butler dans Nikkei Asia. L'État chinois fournit aussi de généreux prêts et plans de financements à des gouvernements en manque de moyens.
Enfin, «la Chine couvre l'ensemble des activités industrielles nucléaires qui intéresseraient certains pays en développement qui manquent de capacités dans le domaine du cycle du combustible ou de l'ingénierie», met en avant Zhao Chengkun, vice-président de la Commission d'experts de la CNEA (China Nuclear Energy Association).
Le développement de l'infrastructure autour des centrales, comme l'alimentation électrique, est également au cœur du projet de «Nouvelle route de la soie», observe Nick Butler. «Le réacteur pakistanais, par exemple, n'est qu'un maillon du corridor économique Chine-Pakistan qui comprend de nombreux autres projets, tels que les aménagements routiers et portuaires.»
Dernier allié inattendu du nucléaire chinois: Joe Biden. La nécessité de la réduction de gaz à effet de serre, réaffirmée par le président américain lors du dernier sommet sur le climat en avril, fournit un argument de plus à la Chine pour caser ses réacteurs.
«Le développement de la technologie nucléaire chinoise contribuera à la réalisation de l'objectif de neutralité carbone en Chine et dans le monde entier», assure le média d'État China.org.