Ce n'est un secret pour personne: la Chine nourrit de grandes ambitions en matière de nucléaire. Dix-neuf réacteurs sont en cours de construction, et pas moins de 115 autres sont en projet ou à l'étude, selon la World Nuclear association.
Seul petit problème: la Chine ne dispose pas de l'uranium nécessaire pour les alimenter. Au rythme de construction actuel, soit six à huit nouvelles centrales par an, le pays aura besoin de 35.000 tonnes d'uranium chaque année, souligne le South China Morning Post.
Or, le pays dispose d'à peine 170.000 tonnes de réserve, ce qui signifie que le stock sera épuisé en moins de cinq ans. Plus de 70% de son approvisionnement provient déjà de mines à l'étranger, la plupart au Canada et en Australie, qui sont des alliés proches des États-Unis. Avec le regain de tension entre les deux pays, cela constituerait une véritable menace pour le développement nucléaire chinois, avertissent des experts.
Pour éviter ce scénario catastrophe, la Chine veut donc se tourner vers des ressources dites «non conventionnelles» parmi lesquelles… l'eau de mer. Chaque mètre cube d'eau de mer contient environ 3 mg d'uranium, ce qui représente théoriquement un stock de plus de 4,6 milliards de tonnes.
De quoi alimenter les réacteurs nucléaires du monde entier pendant des milliers d'années. Malheureusement, cet uranium est présent en très faible concentration, et se lie au carbone et à l'oxygène sous une forme assez stable, ce qui le rend difficile et coûteux à extraire.
Un plan fou
Le coût d'extraction avoisine actuellement les 1.000 dollars le kilo, soit dix fois plus que le minerai extrait sur terre, d'après une étude de l'université de Tsinghua citée par le SCMP.
Mais la Chine, elle, est persuadée d'y parvenir, et a annoncé la construction d'une usine pilote qui sera opérationnelle «d'ici environ une décennie». Aucun détail technique n'a été révélé, mais de nombreuses équipes scientifiques ont fait des progrès importants dans ce domaine ces dernières années. L'efficacité des matériaux d'absorption d'uranium a ainsi été multipliée par trente depuis les années 1960.
Parmi eux, ceux à base d'amidoxime (oxydes d'amines) font partie des plus prometteurs en raison de leur affinité particulière pour l'uranium. Selon une étude chinoise de 2020, ces derniers ont une capacité d'absorption seize fois plus élevée que les matériaux polymères habituellement utilisés. D'après les auteurs, cela rendrait possible un coût d'extraction à 190 dollars le kilo, compatible avec les tarifs actuels (100 à 335 dollars le kilo).
Outre l'eau de mer, l'uranium peut également être extrait de cendres de charbon, de lignites, de schiste ou de phosphates. Selon un document de l'Agence internationale de l'énergie atomique, l'uranium issu du phosphate pourrait couvrir 15% des besoins de l'industrie. Et ça tombe bien: la Chine dispose de la deuxième réserve de phosphate, derrière le Maroc.