Alors que l'Union européenne considère désormais officiellement le nucléaire comme une énergie «verte» et qu'Emmanuel Macron annonce pour la France l'ambitieux plan de construire six à quatorze nouveaux réacteurs de type EPR ou EPR2 d'ici à 2050, le gendarme américain de la chose atomique lance une alerte pour le moins inquiétante, grain de sel supplémentaire dans un débat qui n'en manque pas.
Selon un rapport récemment publié par l'Office of the Inspector General de la Nuclear Regulatory Commission (NRC), la présence de «pièces contrefaites, frauduleuses ou suspectes» serait régulière dans les centrales américaine. «Rien dans le rapport ne suggère une inquiétude immédiate quant à la sécurité des installations», rassure néanmoins la NRC.
Pourtant, ses révélations sont pour le moins troublantes: les pièces en question, intentionnellement fabriquées pour se faire passer pour des éléments légitimes, ont été mises en cause par le département américain de l'Énergie dans plus d'une centaine d'incidents en 2021.
Sans contrefaçon
Repris par The Verge, quelques exemples de l'implication de ces pièces contrefaites ou douteuses dans ces incidents sont donnés. Dans une centrale du nord-est du pays, ce sont les pompes utilisées en cas d'urgence qui sont tombées en panne. Dans une autre installation, des composants supposés surveiller la température dans des «zones liées à la sécurité» se sont mis à défaillir à un rythme inquiétant.
La Nuclear Regulatory Commission l'admet elle-même: le rapport pourrait ne montrer qu'une infime partie émergée d'un iceberg bien plus important, car elle ne dispose pas d'un système de surveillance systématique des installations. Son rapport ne porte d'ailleurs que sur quatre des cinquante-cinq centrales installées sur le sol américain.
L'Electric Power Research Institute et l'Agence internationale de l'énergie (IAE) avaient déjà soulevé la question dans de précédents documents, dévoilant la présence de contrefaçons ou de pièces douteuses dans les valves, paliers, disjoncteurs, raccord de tuyaux ou éléments structurels en acier qu'ils avaient pu observer.
L'étude de l'IAE ne concernait pas que les centrales nucléaires américaines, des problèmes similaires ayant été détectés ailleurs dans le monde: selon l'agence, il est urgent pour la filière de porter une plus grande attention à la provenance des pièces qu'elle utilise en quantité, et de s'assurer de leur légitimité.