C'est l'une des demandes les plus insistantes de Kiev depuis le début de l'invasion russe: l'Ukraine, qui pourtant n'a pas totalement perdu la maîtrise de ses cieux, a besoin de plus d'avions et de bombardiers pour tenir la Russie à distance.
Bien que complexe à mettre en œuvre et se heurtant longtemps aux valses hésitations de Washington, la solution la plus simple et évidente a été le transfert d'appareils, parfois en kits, issus de l'arsenal ex-soviétique de pays amis. Su-27 ou MiG-29: ce sont des avions que les pilotes ukrainiens connaissent bien, et pour lesquels ils n'ont a priori pas besoin de long entraînement supplémentaire.
Pourtant, alors que la guerre s'enlise et semble s'installer dans le temps long, alors également que sont tombées les hésitations de Washington quant à l'envoi à Kiev de matériels de haute technologie et de haute efficacité, la question d'entraîner les pilotes ukrainiens sur des aéronefs occidentaux s'est longtemps posée.
Mais si faire pénétrer des pilotes dans un tout autre monde technologique que celui qu'ils ont appris n'a rien de simple, la réponse a grandement évolué: longtemps inenvisageable, l'entraînement de militaires ukrainiens sur des F-16 ou des F-15 pourrait bientôt être possible, et ce grâce à un amendement voté devant la Chambre des représentants des États-Unis, mais nécessitant encore l'aval du Sénat.
Good news about the training of Ukrainian #TopGun pilots in the #USA #ArmUkraineNow #F15 #F16 https://t.co/v96nAEqeVH
— Ukrainian Air Force (@KpsZSU) July 15, 2022
Comme l'explique The War Zone, le texte en question a été présenté par l'élu républicain de l'Illinois Adam Kinzinger, lui-même ex-pilote de l'US Air Force, en association avec la démocrate Chrissy Houlahan, qui fut officière dans le même corps.
Il prévoit un budget de 100 millions de dollars pour la familiarisation et l'entraînement de pilotes ukrainiens sur des avions américains, «alors que l'administration réfléchit à envoyer de tels matériels», expliquait Kinzinger dans la présentation de son amendement, nommé le Ukraine Fighter Pilots Act.
🇺🇸 pilots are second to none & I’m proud that last night the House passed my bipartisan Ukrainian Fighter Pilots Act, which authorizes the training of Ukrainian fighter pilots in the U.S. I urge the Senate to get this critical legislation to the President's desk. Slava Ukraini!🇺🇦
— Adam Kinzinger (@RepKinzinger) July 15, 2022
La bascule
Aucun détail n'est donné quant aux modalités que pourrait prendre cet entraînement, qui par ailleurs n'aurait rien de tout à fait exceptionnel. Nombre de pays occidentaux, tels le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne ou les États-Unis eux-mêmes, ont déjà pris en charge la formation de militaires ukrainiens sur les divers appareils leur étant «exotiques» (canons Caesar français, missiles anti-aériens Starstreak britanniques ou drones-kamikazes Switchblade américains).
En outre, les États-Unis et l'Ukraine collaborent depuis longtemps dans le domaine aérien et militaire, nombre de pilotes en bleu et jaune s'étant frottés à leurs confrères d'outre-Atlantique dans divers exercices interarmées.
Un tel entraînement sur les plateformes américaines pourrait avoir lieu sur des bases domestiques de l'US Air Force ou sur celles qu'elle maintient en Europe, mais The War Zone note que des alliés de l'OTAN, innombrables à opérer l'omniprésent F-16, pourraient également entrer en jeu.
Le porte-parole des forces aériennes ukrainiennes Yuri Ignat a récemment expliqué à Air Force Magazine que six mois pourraient être suffisants pour entraîner une première cohorte d'une trentaine de pilotes. Dans la même interview, l'officier ajoutait que, selon lui, deux escadres d'une douzaine de F-16 permettraient à l'Ukraine de reprendre le dessus sur l'ennemi russe.
Rien de tout ceci n'est bien sûr fait, loin de là. Une fois les pilotes entraînés, s'ils le sont réellement un jour, il faudra encore leur dégoter des montures. L'avantage du F-16, auquel l'Ukraine semble préférer un F-18 bimoteur mieux adapté à la rigueur des conditions sur le terrain, est qu'il a été vendu à des milliers d'exemplaires dans le monde et est relativement facile à trouver, plus peut-être encore que les MiG-29 ou Su-27 en bon état de marche.
Reste que l'amendement qu'ont fait voter Kinzinger et Houlahan entrouvre une porte qui jusqu'ici semblait fermée, et qu'il marque un peu plus le basculement définitif de l'Ukraine du côté de l'OTAN et de l'Occident. Au grand dam, sans doute, de Vladimir Poutine.