Imaginez 1.700 consoles PlayStation réunies dans une salle, empilées les unes à côté des autres sur des étagères bringuebalantes, connectées à l'aide de câbles et reliées informatiquement grâce à quelques bouts de code. Non, ce n'était pas, en 2006, un moyen de faire tourner Metal Gear Solid à plein régime. Mais une façon de créer un superordinateur capable d'étudier la physique des trous noirs ou de gagner des concours de cryptographie.
En 2002, Sony diffuse un kit Linux pour PS2, capable grossièrement de transformer sa console en ordinateur de bureau. Des chercheurs du National Center for Supercomputing Applications (NCSA), aux États-Unis, se penchent alors sur le potentiel des consoles pour créer un superordinateur.
Ils cherchent à mettre en place ce qu'on appelle une «grappe de serveurs» (ou ferme de calcul) à moindre coût, en regroupant plusieurs PS2 indépendantes pour dépasser leurs limites individuelles.
Ils relient environ soixante-dix consoles. L'expérience fonctionne, mais les résultats sont bancals et les calculs instables. Le projet prend fin. Mais arrive en 2006 la PlayStation 3, avec une puissance de calcul autrement supérieure, et permettant un meilleur fonctionnement du kit Linux.
Physicien et spécialiste des trous noirs au sein de l'université du Massachusetts, Gaurav Khanna manque de fonds pour ses recherches. «Est-ce un objet dont nous pourrions détourner l'usage pour faire de la science?», se demande-t-il à l'époque, comme il le raconte à The Verge.
Il commence par acheter huit consoles et améliore, mois après mois, son prototype de superordinateur. Il finit par brancher 178 consoles, réussir à conduire des modèles informatiques complexes et à remporter un concours de cryptographie –le tout pour une fraction du coût d'un supercalculateur habituel.
1.700 PS3 et 8 kilomètres de câbles
Khanna n'est pas le seul à avoir cette idée. En 2009 –alors que Sony dévoile sa PS3 Slim, sans Linux– Mark Barnell du Air Force Research Laboratory souhaite à son tour tenter l'expérience.
Après un an à chercher des consoles compatibles avec son projet, il collectionne pas moins de 1.700 PS3, connectées par plus de 8 kilomètres de câbles. Il les utilise pour traiter des images de drones de surveillance et, à son apogée, le projet est considéré comme le 35e supercalculateur le plus rapide au monde. Le projet de l'US Air Force prend même un surnom qui en jette: le Condor Cluster.
Mais le hardware de la PS3 vieillit, alors que la puissance des ordinateurs ne cesse d'augmenter. Comme la PS3 Slim, la PS4 sortie en 2013 ne se modifie pas si facilement. «Il n'y a rien de neuf avec la PS4, c'est juste un ordinateur normal, explique Gaurav Khanna. On n'était pas vraiment motivés pour en faire quelque chose.»
Gaurav Khanna utilise désormais des appareils de streaming multimédia, les Nvidia Shield, qu'il considère comme cinquante fois supérieures aux PS3.