Pour The Verge, le journaliste Mitchell Clark s'est penché sur une vidéo assez singulière. On y voit un poisson rouge qui semble être en train de diriger son propre aquarium, lequel est muni de roues. Chaque déplacement de l'animal dans l'eau est répercuté par un mouvement similaire du véhicule sur la terre ferme.
Présenté dans une vidéo publiée sur Twitter, le système employé paraît assez minimaliste: une caméra est fixée sur un axe afin de surplomber l'aquarium, ce qui lui permet de suivre tous les mouvements du poisson, qui sont ensuite transmis à un ordinateur. Celui-ci se charge alors de donner la direction à suivre au chariot robotisé qui fait office de châssis.
De bonnes raisons
Le journaliste de The Verge a voulu en savoir plus, et notamment obtenir une réponse à cette question primordiale: pourquoi? L'auteur de la vidéo, l'Israélien Ronen Segev, y avait heureusement joint un article de recherche expliquant notamment pourquoi ses collègues et lui s'étaient lancés dans un tel projet.
L'idée de l'équipe scientifique est d'observer comment un animal parvient à maîtriser des déplacements qui s'effectuent dans un milieu différent du sien: il s'agit «d'explorer si les mécanismes de représentation de l'espace et de navigation dépendent des espèces, de l'écosystème, des structures du cerveau, ou si ce sont des propriétés générales ou universelles».
En creusant un peu, on découvre que les quatre scientifiques à l'initiative de ce projet ne sont pas les premiers à avoir eu une telle idée. On trouve sur YouTube une vidéo du même acabit datant de 2014, fruit du projet «Fish on Wheels» mené par les Néerlandais de Studio diip, spécialisés en «computer vision». Ce domaine désigne l'ensemble des techniques d'intelligence artificielle qui permettent d'analyser des images captées par une caméra.
Sur le site de Studio diip, on découvre des objectifs différents de ceux des scientifiques israéliens: «Nous voulions montrer que la “computer vision” [...] pouvait aussi créer des interactions si simples qu'elles peuvent donner plus de pouvoir aux animaux. “Fish on Wheels” le démontre en permettant aux poissons de déplacer leur propre aquarium, à condition d'être assez intelligents pour le comprendre.»
Poissons chorégraphes
Mitchell Clark a alors réalisé que l'envie de motoriser les poissons rouges était quasiment universelle, mais que les motivations des uns étaient souvent bien différentes de celles des autres. Dans le cas des étudiants américains de l'Université Carnegie Mellon, en Pennsylvanie, les intentions étaient relativement modestes: «On a trouvé que ce serait cool s'il pouvait traîner avec nous!» Le pronom «il» désignant leur poisson rouge nommé Walter, qui a eu l'air d'apprécier la balade.
En remontant le fil, le journaliste a retrouvé une installation artistique datant de 2004, due à Ken Rinaldo, artiste spécialisé dans la robotique interactive. Intitulée «Augmented Fish Reality», elle met en scène cinq robots, chacun étant contrôlé par un poisson. Les cinq aquariums sont placés dans le même espace, et c'est toute une chorégraphie qui se crée autour de leurs mouvements et de leur supposées interactions. Le but est ici d'observer «la communication au sein d'une espèce et entre les espèces», comme le dévoile la note d'intention.
À chaque projet son objectif, et pourtant, l'idée revient régulièrement. Faire évoluer un poisson rouge sur la terre ferme relève-t-il du même fantasme que celui de faire voler les êtres humains? Et qu'en penseraient les chats s'ils voyaient ça?