Image extraite de Detroit: Become Human, le nouveau-né de Quantic Dream créé à distance par des équipes en quarantaine. | Quantic Dream
Image extraite de Detroit: Become Human, le nouveau-né de Quantic Dream créé à distance par des équipes en quarantaine. | Quantic Dream

Produire un jeu vidéo en pleine pandémie: l'exemple de Quantic Dream

Le développeur de «Detroit: Become Human» a dû revoir ses méthodes de travail en quelques jours pour s'adapter au confinement.

Le 14 janvier, David Cage, le directeur créatif de Quantic Dream présente ses vœux sur Twitter avec un «2020 devrait être encore plus excitant! Nous avons beaucoup de surprises pour nos fans, restez à l'écoute! Et en 2020 plus que jamais: restez différents!».

Il ne sait pas encore que l'année sera marquée par un événement mondial sans précédent au cours du siècle écoulé: une pandémie majeure, qui contraindra toutes les entreprises à se réinventer et à revoir en quelques jours leurs méthodes de travail.

Retour sur la gestion de la crise sanitaire par le développeur français de jeux vidéo, qui avait annoncé au second semestre 2019 un profond changement de cap par sa décision de devenir éditeur indépendant et avait été secoué par une enquête conjointe de Canard PC, Mediapart et Le Monde sur les pratiques sociales à l'intérieur de l'entreprise.

«Des mesures préventives dès février»

Comme pour beaucoup, le début de l'épidémie en Chine n'a pas fait naître de grandes inquiétudes au sein de la direction. Mais dès les premiers clusters en Europe en février, Guillaume de Fondaumière, directeur général délégué de Quantic Dream, a commencé à prévoir la vague qui allait déferler et à prendre différentes mesures pour la sécurité des employé·es.

«Notre partenaire chinois NetEase nous a communiqué les mesures mises en place de leur côté et nous avons rapidement engagé des mesures préventives au sein de Quantic Dream, explique-t-il. Comme tout le monde, nous n'avions pas de masques, mais nous pouvions déjà respecter les gestes barrière: plus de serrage de mains ni de bise, lavages de mains réguliers, utilisation de solution hydroalcoolique. Notre studio disposait heureusement de larges stocks de gel, proposé en libre-service à nos collaborateurs depuis 2009 et l'épisode de grippe A.»

Le 12 mars, Emmanuel Macron annonce la fermeture des écoles. La menace d'un confinement comme en Italie devient de plus en plus proche et Quantic Dream décide de mettre le maximum de ses collaborateurs et collaboratrices en télétravail dès le lendemain et de fermer intégralement son studio parisien le lundi 16 mars à 13 heures. «Ces deux vagues successives devaient permettre à notre service technique d'accompagner du mieux possible cette migration en urgence de tout le studio», explique Guillaume de Fondaumière.

Nous nous étions fixés comme objectif d'être prêts à proposer ce mode de collaboration à partir de juin 2020. La crise sanitaire a accéléré le processus d'analyse et sa mise en place à grande échelle.
Guillaume de Fondaumière, Directeur général délégué de Quantic Dream

Une décision vécue comme rassurante par les salarié·es. «J'ai vécu cela entre anxiété face à la maladie et sa propagation et soulagement quant à la réaction de Quantic Dream, qui a pu mettre rapidement en place le télétravail pour beaucoup de monde et garantir les salaires pour les personnes ne pouvant y accéder immédiatement», témoigne Julien Braconnier, responsable du pôle Outils.

La bande-annonce du dernier jeu en date du studio français, Detroit: Become Human.

Une rapide transition vers le télétravail

Ce passage rapide du plus grand nombre au télétravail a été rendu possible par le fait que Quantic Dream s'affairait déjà depuis quelques mois à la mise en place d'outils et de logiciels permettant de développer le travail à distance au sein du studio.

L'idée était alors de recruter et de travailler avec des collaborateurs et collaboratrices n'habitant pas en région parisienne, ce qui n'est possible qu'en instaurant une organisation adaptée ainsi q'un environnement technique et logiciel adéquat. «Nous nous étions fixé comme objectif d'être prêts à proposer ce mode de collaboration à partir de juin 2020. La crise sanitaire a accéléré le processus d'analyse et sa mise en place à grande échelle. Mais notre réflexion était déjà engagée, ce qui nous a bien aidés», précise Guillaume de Fondaumière.

Le 16 mars, à l'annonce du confinement, presque tout était prêt –un sentiment d'incertitude continuait néanmoins à flotter au sein de la direction. «Nous étions prêts et les tests effectués depuis quelques jours semblaient confirmer que nous avions fait les bons choix techniques. Nous avions fermé le studio et une très large majorité des collaborateurs pouvait télétravailler. Certains métiers restaient cependant sans solution technique et nous avons dû rapidement trouver une solution. Nous ne savions pas non plus combien de temps nous devrions rester éloignés du studio. C'était un sentiment étrange de saut dans l'inconnu…»

Pauses café virtuelles

Les choses se sont mises rapidement en place. Si les aspects techniques ont été rapidement adoptés par des équipes qui ont pu emprunter le matériel nécessaire et qui sont, somme toute, assez familières des outils numériques, il a aussi fallu prendre en compte le facteur humain.

«Nous avons mis en place une newsletter hebdomadaire pour tenir les équipes informées de l'avancée des différents départements au sein du studio et permettre ainsi à chacun d'être au courant du travail des autres», précise Guillaume de Fondaumière.

Nous avons réalisé deux sondages anonymes afin de cerner plus précisément les conditions de vie et de travail de nos collaborateurs. Certains étaient seuls, d'autres entourés de leurs enfants –ce qui demande du temps et de l'attention.
GUILLAUME DE FONDAUMIÈRE, DIRECTEUR GÉNÉRAL DÉLÉGUÉ DE QUANTIC DREAM

«Nous avons créé un “Point Quanticien Quotidien” nous permettant de rendre compte de notre adaptation en tant qu'organisation à l'épidémie, mais aussi de promouvoir certaines initiatives ou tout simplement partager des informations pratiques n'ayant rien à voir avec le travail. Nous avons mis en place des temps d'échange et de partage hors travail –des pauses café virtuelles– permettant de se retrouver en petits groupes aléatoires pour papoter, comme nous le faisons souvent dans notre espace détente ou autour de la machine à café.»

Malgré le sentiment de nouveauté face au télétravail, chacun·e semble avoir rapidement pris ses marques et le rythme a rapidement été adopté, sans pour autant que la dimension sociale ne soit mise de côté. «Les pauses thé et café ont permis de garder le contact avec des personnes que nous avons moins l'habitude de côtoyer. Cela nous a permis de briser une éventuelle monotonie. Ça ne revient bien sûr pas au même que de se croiser au travail, mais cela maintient une forme de bonne humeur collective», soutient Julien Braconnier.

En outre, durant toute la durée du confinement, l'intégralité de l'équipe a été sollicitée afin de pister d'éventuelles failles et de proposer des solutions d'adaptation à ces circonstances si particulières. «Nous avons réalisé deux sondages anonymes afin de cerner plus précisément les conditions de vie et de travail de nos collaborateurs. Certains étaient seuls, d'autres entourés de leurs enfants –ce qui demande du temps et de l'attention. Chaque situation est un cas particulier qui nécessite une attention propre. Nous avons tenté de résoudre certaines difficultés en aménageant, par exemple le temps de travail, les horaires et la durée des réunions.»

Heavy Rain, initialement paru en 2010, a assis la réputation de Quantic Dream en matière de storytelling et de motion capture.

Prudence et optimisme

À ce jour, le bilan semble assez satisfaisant et témoigne d'une bonne cohésion au sein des équipes. Les aménagements ont permis à chacun·e de trouver ses marques et de continuer à travailler en conservant les mêmes objectifs de qualité.

Beaucoup éprouvent malgré tout une certaine impatience de se revoir IRL, mais la prudence s'impose au sein de la direction et la date de réouverture du studio n'est pas encore prévue.

«Nous travaillons de notre côté à la mise en place des nombreuses adaptations nécessaires à un tel retour. Nous savons qu'il y a de nombreux cas particuliers à prendre en compte (enfants ou non, distance du lieu de travail, méthode de transport, etc.), et lançons de nouveaux sondages. Il faudra en tout état de cause que toutes les problématiques sanitaires, organisationnelles et managériales soient en place pour permettre un tel retour», révèle Guillaume de Fondaumière, tout en restant optimiste quant au bon déroulement des projets en cours.

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