Sans même compter les innombrables rocket scientists purement amateurs mais aux projets fous, le déboulé dans l'industrie spatiale de dizaines de petites structures et start-ups, très sérieuses ou aux visées plus farfelues, est une bonne nouvelle pour nos rêves de périples étoilés et nos connaissances de l'univers.
Pour les protocoles de sécurité entourant le lancement de leurs engins expérimentaux, en revanche, le doute semble parfois permis. C'est ainsi que la petite équipe de Pythom Space, jeune pousse basée en Californie souhaitant envoyer des missions vers la Lune ou Mars tout en réduisant les coûts, est devenue sans le vouloir la risée des foules en publiant la vidéo du lancement de l'une de ses fusées expérimentales.
Excellent journaliste pour Ars Technica, où il suit de près la chose spatiale, Eric Berger a publié un tweet assassin jetant une lumière crue sur la manière dont Pythom Space souhaite faire baisser les coûts de ses lancements: en faisant, apparemment, à peu près n'importe quoi.
«Damn, Pythom Space a encore du boulot à faire sur sa culture de la sécurité –cette vidéo est une masterclass sur comment ne pas faire de la science des fusées», s'est-il ainsi moqué, avant de publier quelques heures plus tard un article complet sur l'exploit.
Damn, Pythom Space has some work to do on their safety culture—this video is a masterclass in how not to do rocket science.https://t.co/2qGT3MInSr pic.twitter.com/3o4qH9l8CB
— Eric Berger (@SciGuySpace) April 11, 2022
Le visionnage de la vidéo dont il fait mention est, effectivement, à la fois terrifiant et hilarant. Si l'on sait grâce à l'expérience très compliquée et aux bricolages approximatifs des premières années de SpaceX que les choses doivent nécessairement passer par un stade plutôt artisanal et quelques cahots, l'équipe semble ici avoir frôlé la catastrophe.
Dans ce joli petit film, on voit les fiers hommes et femmes de Pythom Space monter leur bidule rutilant mais incertain, nommé Eiger, au beau milieu du désert, puis l'allumer pour tester son moteur au sol.
Chaud, chaud, chaud
Le problème? Oh, presque rien, une broutille: les jeunes gens avaient semble-t-il oublié que la poussée, le carburant brûlant et les gaz émis par les «boosters» d'une fusée pouvaient représenter un léger danger pour toute personne se trouvant à proximité immédiate.
Le périmètre de sécurité était donc des plus minimaux –à supposer qu'il ait tout simplement existé. Et une fois le moteur de l'engin commençant à cracher sa puissance, sa chaleur infernale, à soulever des montagnes de poussière et de gaz peu recommandables pour les systèmes respiratoires, on peut voir certains membres de l'équipe se rendre compte un peu tardivement du risque et prendre leurs jambes à leur cou pour échapper au désastre.
When you decompose HNO3 with other things, you get nitric oxides in the cloud. This is Not Fun.
— Jeff Greason (@JeffGreason) April 11, 2022
Le sujet de la sécurité chez Pythom Space –et plus généralement dans nombre de ces mini-structures aux grandes ambitions– n'est visiblement pas neuf. Certains en ont ainsi profité pour rappeler que la start-up avait déjà été critiquée pour d'autres pratiques pour le moins légères, et ont surfé sur cette vague de moquerie sur Twitter en décortiquant tout ce qui ne va pas.
This guy working under a suspended load supported on unstable legs just about gave me an ulcer. Not a hardhat to be seen either. And we haven't even got to fuelling yet! pic.twitter.com/CuujYXZuZc
— 1202 Pogrom Alarm (@Reweth) April 11, 2022
Comme le rapporte Interesting Engineering, les cofondateurs de Pythom Space, Tina et Tom Sjögren, ont été prompts à réagir à ces critiques dans un post de blog. Ils y disent notamment qu'Eric Berger d'Ars Technica ne leur a pas laissé le temps de s'expliquer avant de publier son article, et que ce qu'ils montrent, ratés et dangers inclus, est généralement ce qui est mis sous le tapis par la concurrence, petite ou grosse.
Ils affirment également que d'autres comme Astra ou Virgin Galactic ont enchaîné les déconvenues, comprenant même un accident mortel dans le second cas, et qu'ils ne connaissent aucune autre start-up, mis à part en Chine, capable de construire une fusée aussi vite qu'eux.
Ils concluent enfin sur le fait que ce type de bricolage est nécessaire si l'on ne souhaite pas réserver la course à l'espace à une poignée de milliardaires pouvant dépenser sans compter.