Une partie peut s'étaler sur plusieurs mois, voire plusieurs années. | Sue Hughes via Unsplash
Une partie peut s'étaler sur plusieurs mois, voire plusieurs années. | Sue Hughes via Unsplash

Quand le multijoueur se pratiquait par correspondance

Avant internet et «World of Warcraft», le nec plus ultra technologique était le courrier postal.

Si vous pensiez que le jeu de rôle massivement multijoueur à la World of Warcraft était né avec le modem 56k, vous vous trompez: la pratique est aussi vieille que l'invention du timbre-poste, nous rappelle Wired.

Si les parties d'échecs par correspondance entre nobles européens se sont adaptées au fil des siècles aux technologies de l'information les plus avancées –Télégraphe! Radio! Téléphone! Internet!–, selon un article délicieusement vintage de New Scientist publié en 2009, un autre type de pratique est soudainement apparu au milieu des années 1960: le jeu par correspondance, ou JPC.

À l'origine, il y a Diplomacy, un jeu de stratégie et de simulation historique multijoueur extrêmement populaire, dont la communauté commence à organiser des parties par courrier via un modérateur neutre.

Voilà comment ça fonctionnait: pour participer, les joueurs envoyaient une lettre détaillant leur premier mouvement, accompagnée des frais de traitement pour l'entreprise modératrice, qui facture un tarif d'entrée et un prix pour chaque tour.

Ils recevaient par courrier les règles du jeu, une carte, et l'état actuel de la partie. Quelques semaines plus tard, le modérateur envoyait aux joueurs le résultat du tour ainsi que la date limite du prochain envoi, laissant un délai de quelques jours à quelques semaines. Et ainsi de suite.

Éloge de la lenteur

Dans les années 1970, l'Américain Rick Loomis lance Flying Buffalo, la première entreprise spécialisée dans les JPC. Des centaines de joueurs se lancent dans des parties de Nuclear Destruction, le titre maison.

Le succès est tel que les modérateurs n'arrivent plus à suivre, et doivent rapidement tirer profit d'une toute nouvelle technologie: l'ordinateur. Dans les années 1980, explique Flying Buffalo à Wired, l'entreprise gère jusqu'à 1.200 joueurs aux États-Unis, en Europe et au Japon, sachant que la concurrence s'installe progressivement.

Aujourd'hui, Flying Buffalo compterait toujours 120 joueurs, et il est toujours possible de jouer à Nuclear Destruction, en ligne, moyennant 5 dollars d'inscription et 2,50 dollars par tour.

Logiquement, l'avènement du web aurait dû annihiler les JPC. Que nenni: après avoir un temps profité de la toute-puissance du Minitel français, la communauté suit les évolutions de son temps et troque le timbre et la boîte aux lettres contre l'e-mail… sans pour autant succomber à l'instantanéité.

Aujourd'hui, quelques sites français perpétuent la culture du JPC, comme Tour de Jeu ou Épistoludisme –le néologisme est de qualité–, qui offre des parties gratuites et payantes de différents titres. Une stabilité qui s'explique par l'espace-temps du JPC, imperméable au rythme du monde, dans lequel une partie peut s'étaler sur plusieurs mois, voire plusieurs années.

Ce gigantisme qui se retrouve dans la complexité des univers créés et les interactions entre les joueurs, d'une profondeur humaine apparemment inégalable: au diable le gameplay moderne, la lenteur possède certains charmes inégalables.

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