Avez-vous déjà entendu parler de Clearview AI? Les activités douteuses de cette société new-yorkaise ont été révélées, au mois de janvier dernier, dans une enquête du New York Times. La start-up a aspiré sans vergogne plus de trois milliards de photos sur les réseaux sociaux et sur le web, sans demander leur avis aux personnes concernées.
Clearview AI a constitué une bibliothèque d'images sans précédent, ensuite utilisées pour son application SmartChekr, vendue notamment aux forces de l'ordre. Celle-ci permet de trouver le nom, l'adresse et de nombreuses informations sur une personne à partir d'une simple photographie.
Alors que l'entreprise se vantait d'avoir converti 600 organismes à son outil, elle fait désormais l'objet d'une plainte collective aux États-Unis –et le feu n'est pas près de s'éteindre.
Ligne rouge
Quel que soit le destin de Clearview AI et de son app, on peut s'interroger sur le caractère inéluctable du développement de la technologie de reconnaissance faciale.
Prenons l'exemple de Google Photos. L'application Android utilise une technologie de reconnaissance faciale pour classer nos photographies selon des thématiques précises («selfies», «plages», «anniversaire»...).
Si vous prenez un portrait de vous et réalisez une recherche d'image inversée sur Google Search, vous ne verrez s'afficher ni le contenu de votre smartphone, ni les différentes images de vous disponibles sur les réseaux sociaux: Google restreint l'accès à ses différentes bases de données et les sépare pour préserver un semblant de vie privée en ligne.
Pour le moment, le géant de Mountain View n'a pas franchi la ligne rouge. Mais celle-ci pourrait néanmoins refaire surface sous une forme moins menaçante, chez Google ou autres, en lien avec le futur de la réalité augmentée (AR).
«Mon intuition est que l'AR est “the next big thing” et que ça va imprégner notre vie» durant la prochaine décennie, affirmait le PDG de Google Tim Cook le 20 janvier dernier.
La recherche faciale façon Clearview AI serait un instrument parfait pour la réalité augmentée, qui crée un pont entre le monde numérique et le réel. Dans l'univers du travail, elle permettrait par exemple de reconnaître un·e client·e, de retrouver son nom et son entreprise à l'aide d'un simple scan de son visage.
Morceaux par morceaux, nous avons pris l'habitude de lâcher des bouts de notre vie privée en échange d'outils pratiques. Dans l'optique d'un développement des lunettes de réalité augmentée –ou de tout autre objet du genre–, la reconnaissance faciale pourrait être le prochain horizon que l'on nous imposera insidieusement.