Le «brouillard de guerre» et les batailles de l'information comme de la désinformation peuvent donner quelques sueurs très froides, dans un camp comme dans l'autre –et parfois dans les deux.
Le 19 avril, quelques internautes et journalistes découvraient, sur le site du ministère russe des Situations d'urgence, un message pour le moins anxiogène avertissant d'un échange imminent de mauvais procédés nucléaires entre la Russie et l'OTAN.
This article was published a few hours ago. Russian Ministry of Emergency Situation says that on the 24th of April, on Easter, citizens should be prepared for retaliatory nuclear strike from NATO countries. The article was deleted recently. pic.twitter.com/AF9kKofQrq
— alina radu (@alina_ra) April 19, 2022
Plus troublant encore, le tout était daté: le très officiel organisme enjoignait la population russe à se préparer au cas où l'OTAN lancerait des ripostes atomiques –ce qui suggère une attaque initiale du Kremlin– le 24 avril, soit le jour de la Pâques orthodoxe.
Comme l'explique Newsweek, l'article prodiguait au peuple russe quelques conseils basiques sur la conduite à tenir le cas échéant. Par exemple, «transformer les sous-sols des logements ainsi que des abris souterrains les plus proches en espaces habitables», stocker du carburant (80 litres par véhicule), de la nourriture, des médicaments, de l'iode ou de l'eau potable.
C'est malin (ou pas)
Dans un contexte où l'utilisation par un Vladimir Poutine poussé dans ses retranchements d'armes nucléaires (notamment) tactiques n'est pas tout à fait écartée, et alors que, dans une menace à peine voilée envers l'Occident, le Kremlin vient de procéder au test de son nouveau missile intercontinental Sarmat (surnommé «Satan II», tout un programme), avouons-le: l'alerte du ministère russe est carrément glaçante.
Glaçante mais temporaire: elle a rapidement disparu, mise hors ligne quelques heures après sa publication initiale. Très vite, beaucoup ont accusé des hackers d'avoir pris le contrôle du site du ministère pour y semer cette terrifiante fausse prophétie. C'est notamment le cas de Kevin Rothrock, du média indépendant d'investigation Meduza ou, rapporte Newsweek, du quotidien moscovite Moskovsky Komsomolets.
Somebody hacked the press office of Russia’s FEMA and posted “recommendations in case of a retaliatory nuclear strike by NATO countries,” due on Orthodox Easter for some reason. Lots of iodine dose guidelines. Hackers included this nifty infographic, too. https://t.co/H4wLfJKCiA pic.twitter.com/2GtmluEQ9U
— Kevin Rothrock (@KevinRothrock) April 20, 2022
Dans un message posté quelque temps après sur VK, le très populaire réseau social russe, le ministère piraté lui-même a affirmé avoir subi une attaque extérieure. Un hack semble effectivement plus crédible que l'annonce officielle par la Russie de l'apocalypse atomique le dimanche 24 avril.
Il est en revanche une preuve que la désinformation peut être une arme de destruction massive à double tranchant, aux dégâts aussi peu précis que ceux d'une bombe H: s'il cherchait à effrayer la population russe, le piratage a dans le même temps offert quelques belles frayeurs de l'autre côté du nouveau rideau de fer tombé sur l'Europe.