Il existe, entre la Pologne et la Lituanie, un petit bout de Russie niché au cœur même de l'Europe, une enclave stratégique pour Moscou aux frontières de l'Otan et bordant la Baltique: l'enclave de Kaliningrad.
Par un geste dont la signification n'échappera à personne, Moscou a semble-t-il décidé de faire de cette «île russe en Europe» un nouvel avant-poste de ses menaces –ou menaces de ripostes– envers ses rivaux de l'ouest.
Comme le relate The Drive, le Kremlin a ainsi décidé d'envoyer à Kaliningrad des Mig-31, les redoutables et redoutés «Foxhound» pour l'Otan, armés de l'un des missiles les plus récents et avancés du pays, le Kinzhal ou Kinjal (la «dague»), projectile hypersonique air-sol et capable de porter, au besoin, une tête nucléaire.
It’s certainly meant to send a signal when 🇷🇺 deploys its most advanced strike weapon Kinzhal forward to Kaliningrad. There are only a few of them, and half of them are now said to be in Kaliningrad. pic.twitter.com/aiFQXzNGAZ
— Carl Bildt (@carlbildt) February 8, 2022
Selon The Drive ainsi que Carl Bildt, qui co-préside l'European Council on Foreign Relations (ECFR), un think tank allemand, ce sont la moitié des missiles Kinzhal produits jusqu'ici par la Russie et des Mig-21 capables de les lancer qui ont ainsi été basés dans l'enclave russe.
Re-crise des missiles
Adapté du SS-26 Iskander, le Kh-47M2 Kinzhal est l'une des six nouvelles armes stratégiques vantées par Vladimir Poutine lors de leur présentation au monde en 2018. Sa portée est estimée à plus de 2.400 kilomètres et, selon le président russe lui-même, il est capable de voler «à une vitesse hypersonique, dix fois plus rapidement que le son». Il peut en outre manœuvrer en vol, donc être difficile à intercepter, et peut viser des cibles à terre comme des navires de guerre.
En clair: la Russie avance certains de ses pions les plus importants vers l'ouest. Ce faisant, elle signale à ses rivaux qu'elle se prépare à toute éventualité en cas de conflit autour de l'Ukraine, et répond du tac au tac au renforcement des troupes de l'Otan dans la zone, notamment par les États-Unis ou le Royaume-Uni.
L'envoi de Mig-31 armés de Kinzhal dans l'oblast de Kaliningrad illustre également certains rapports et déclarations récentes, qui indiquaient que la Russie pourrait profiter de la crise ukrainienne pour effectuer un important bouleversement stratégique et placer des missiles à capacité nucléaire au plus proche des territoires de ses rivales de l'ouest.
Ces duos Mig-31 et Kinzhal, note The Drive, n'auraient que peu de sens en cas de conflit ouvert en Ukraine. Avec une portée permettant à ces «dagues» menaçantes de toucher la plupart des capitales européennes, Paris inclus, il s'agit donc bien d'une menace d'un tout autre type, et d'un rééquilibrage des forces et des dissuasions.
Il est également possible que ce déploiement corresponde à la volonté du Kremlin, avancée par le Pentagone, de procéder dans les prochains jours et semaines à de vastes exercices militaires incluant les vecteurs nucléaires russes, une autre manière pour Vladimir Poutine de dire «bas les pattes» aux soutiens de l'Ukraine, de bander une fois de plus les muscles, et de montrer les dents. Avant de mordre?