Le titre de l'article de Bloomberg publié le 14 juillet ne saurait être plus clair ni plus affirmatif: «Il n'y aura pas assez de cuivre pour atteindre nos objectifs climatiques», écrit ainsi crûment le média américain. Selon une étude de S&P Global, la demande concernant ce métal à la fois si commun et si précieux va ainsi presque doubler d'ici 2035, créant des pénuries «intenables et sans précédent».
Or, présent dans l'intégralité de nos réseaux électriques comme de nos objets connectés, le cuivre est l'ouvrier de base de nos vies modernes: sans lui, rien n'est possible, les technologies vertes ne seront pas les seules à souffrir de ces pénuries, qui frapperont l'ensemble des secteurs industriels mondiaux.
Une voiture électrique, par exemple, a besoin de quatre fois plus de cuivre qu'un véhicule à combustion, et l'édification des seules fermes offshore d'éoliennes géantes devraient nécessiter, selon les analystes de Wood Mackenzie, 5,5 mégatonnes d'un matériau dont le coût ne cesse et ne cessera de grimper, et que Goldman Sachs nomme «le nouveau pétrole».
Le tableau semble donc plutôt sombre. À moins que n'aboutissent les recherches de certains scientifiques spécialistes des matériaux, qui cherchent notamment à offrir à l'aluminium une conductivité dont il n'est pour l'instant pas doté, explique Wired.
«Les métaux, écrit doctement Gregory Barber pour le site, conduisent l'électricité parce qu'ils contiennent des électrons qui ne sont pas attachés à un atome en particulier. Plus le flux d'électrons est important, et plus vite ils se déplacent, meilleure est la conductivité d'un métal.»
D'où les recherches habituelles des scientifiques, qui cherchent à purifier au maximum les métaux conducteurs, pour des arrangements atomiques les plus parfaits possibles, les plus à même d'offrir aux électrons des autoroutes sans limite.
Tout l'inverse des triturations atomiques et moléculaires de Keerti Kappagantula, chercheuse en matériaux au Pacific Northwest National Lab. Elle-même considère ses travaux comme «bancals»: son objectif n'est pas de rendre les métaux plus purs, mais au contraire de saborder leurs propriétés moléculaires pour, au passage, leur offrir de nouvelles capacités.
En ajoutant des nanotubes de carbone ou du graphène au bon vieil aluminium, elle cherche ainsi à en faire une sorte de nouveau cuivre, capable de conduire suffisamment bien le courant électrique pour remplacer ce dernier partout où il y en a besoin.
L'aluminium possède des caractéristiques intéressantes: il est très abondant, beaucoup moins cher que le cuivre, beaucoup plus facile à exploiter également qu'un cuivre dont les réserves sont de plus en plus difficiles d'accès.
Une transition vers l'aluminium a déjà débuté dans de nombreux secteurs –tous ceux où sa conductivité, moindre que celle du cuivre, n'est pas une limitation rédhibitoire. Les travaux de Kappagantula pourraient changer la donne, et permettre une application de son aluminium «réarrangé» à de bien plus nombreux domaines.
C'est l'alu!
Ainsi que l'explique Wired, les additifs notamment basés sur le carbone qu'utilise Kappagantula offrent des propriétés de conductivité très intéressantes. Mais il ne suffit pas de les «jeter» dans l'aluminium pour que ce dernier gagne magiquement cette capacité: sans procédé particulier de conception moléculaire, les atomes ont du mal à «sauter» d'un matériau à l'autre, et tout les bénéfices s'annulent.
En outre, le procédé classique de fabrication de l'aluminium, qui au passage nécessite beaucoup plus d'énergie que la fonte du cuivre et n'est donc pas sans poser de question, passe par une phase de chauffe à plus de 1.000°C, qui endommage ou détruit le carbone que l'on pourrait essayer d'ajouter à l'alliage.
Keerti Kappagantula et le Pacific Northwest National Lab testent donc d'autres techniques, dites de «fabrication en phase solide» («solid-phase manufacturing» en anglais). Celles-ci utilisent un jeu de forces et de frictions pour intégrer le carbone à l'aluminium sans lui faire perdre ses propriétés.
L'objectif est de faire atteindre un état «plastique» mais non fondu au métal, donc de ne pas atteindre les températures extrêmes de la méthode Hall-Héroult traditionnelle, afin de contrôler de manière précise la distribution moléculaire des éléments de carbone dans l'aluminium, et réussir à offrir à ce dernier la conductivité des premiers.
Comme le notent Wired et la chercheuse elle-même, le processus est long. L'équipe du Pacific Northwest National Lab a d'abord réussi à produire quelques centimètres, puis quelques mètres, de câbles faits de cet aluminium «réarrangé». Elle tente désormais de produire des barres et plaques plus volumineuses, afin de s'assurer que les autres propriétés du métal –solidité, flexibilité– n'ont pas été altérées par le procédé et l'intégration de carbone.
Mais le jeu en vaut cette longue chandelle, se persuade la chercheuse. «Nous avons besoin de beaucoup de cuivre, et nous allons bientôt entrer en pénurie. Ces recherches nous prouvent que nous sommes sur le bon chemin», explique-t-elle.