Si vous avez l'esprit aventurier et aviez prévu, ces prochaines semaines, d'aller surfer sur une supernova ou de faire un trek au cœur d'un trou noir, nous vous proposons une autre expérience extrême, sur l'un des objets les plus fous que l'univers ait à offrir à nos yeux ébahis: les magnétars.
Dans un article consacré à ces étranges objets, Ars Technica les décrit comme «la superforme ultime de la nature», et donne quelques explications sur leur nature et leur découverte.
Cette dernière s'est faite en deux temps, deux temps imprévus. Le premier fut lorsque Jocelyn Bell, accompagné de son superviseur Antony Hewish, ont observé en 1967 un phénomène étrange sur le tout nouveau Interplanetary Scintillation Array à Cambridge, au Royaume-Uni.
En fouinant dans ses données, Bell a découvert un signal régulier, un flash radio se répétant toutes les 1,33 seconde très exactement. Le flash était émis du même point dans le ciel, et ne pouvait être de source terrestre. Par plaisanterie, les deux scientifiques ont d'abord appelé la chose LGM-1, pour «Little Green Men».
Il ne s'agissait bien sûr pas de petits hommes verts, mais d'une étoile à neutrons, «l'astre de tous les extrêmes» selon Science et Avenir, un objet théorisé depuis des décennies par les physiciens, mais dont la petite taille le rendait jusqu'ici inobservable.
Également nommée pulsar, cette étoile à neutrons tournant sur elle-même est ce qu'il reste du cœur d'une étoile géante après la phase finale spectaculaire de sa vie cosmique en tant que telle, à savoir sa transformation en supernova.
Le deuxième temps de la découverte des magnétars fut le lancement, à la même époque et par le département de la Défense américain, d'une série de satellites nommée Vela et destinée à surveiller les activités nucléaires de l'Union soviétique et le respect effectif des traités en vigueur.
Scrutant notre planète à la recherche de rayons gamma, témoins et preuves de tests d'armes atomiques, ce n'est pourtant pas tournés vers la Terre que lesdits satellites ont détecté ces émissions de rayons gamma, mais vers l'infini de l'univers, d'où ils provenaient en masse et avec la régularité de coucous suisses atomiques.
En 1973, les scientifiques ont pu se pencher sur les données récoltées par les satellites Vela. Cette ouverture du secret signe, comme l'indique Ars Technica, le véritable acte de naissance de l'astronomie gamma.
Parmi les phénomènes nouvellement observés, l'un portait le doux nom de sursauteur gamma mou (soft gamma repeater ou SGR en anglais). Pour qu'un tel bidule existe, il faut à la fois une quantité dantesque d'énergie et de la rotation. La source des SGR ne pouvait donc être qu'une version très musclée d'un pulsar, une étoile à neutrons hautement magnétique: ainsi est né le concept de magnétar.
Les propriétés des magnétars, listées et expliquées par Ars Technica, sont effrayantes. En moins de dix secondes, une étoile à neutrons venant de naître et se transformant en magnétar, ce qui n'est pas le cas de tous les pulsars, peut se mettre à générer le champ magnétique le plus puissant de l'univers.
Au pôle Nord, le champ magnétique terrestre est mesuré à un demi-Gauss –de quoi animer la petite aiguille métallique de votre boussole. Un aimant que vous collez sur votre frigo est environ 100 à 200 fois plus puissant que le champ magnétique terrestre. Une IRM produit environ 10.000 Gauss, et l'humain est capable, lors d'explosions particulières, de produire pendant un temps infinitésimal un champ magnétique de 10 millions de Gauss.
Les lois de l'attraction
De quoi faire rire en coin le magnétar. Car selon les chiffres donnés par Ars Technica, l'objet développe un champ magnétique de surface de 1014 ou 1015, avec des forces 10 fois plus grandes encore en son cœur. C'est environ un billiard de fois plus que la Terre, et un milliard de fois plus que ce que l'humain sait créer.
C'est donc beaucoup, et cela aurait de bien curieuses propriétés sur votre corps si vous vous en approchiez: une telle attraction déformerait la forme même de votre matière, étirant les atomes qui vous composent jusqu'à la dissociation. L'espace-temps, le vide et la lumière eux-mêmes se voient bouleversés par la proximité d'un tel monstre.
Les magnétars ne sont pourtant pas grands –les étoiles à neutrons font en moyenne 20 kilomètres de diamètre. Ils sont en revanche d'une lourdeur record: cette petite boule suffit pour représenter deux fois la masse du Soleil, ce qui en fait les seconds objets les plus denses de l'univers, juste après les trous noirs. «Une seule cuillère à café d'étoile à neutrons pèserait environ 100 millions de tonnes», écrit ainsi Paul Sutter pour Ars Technica.
Et les radiations? Un enfer –le mot est faible. La température d'un magnétar est d'environ 20 millions de kelvins, suffisant pour produire des quantités (littéralement) astronomiques de rayons X. Mais il y a mieux encore: ceux-ci sont parfois projetés dans l'espace à une fraction non négligeable de la vitesse de la lumière par le champ magnétique colossal de la chose.
En jouant aux auto-tamponneuses avec les photons qui se trouvent par hasard dans le coin, les rayons X ainsi fouettés par le magnétar se démultiplient. Résultat: le corps est dix fois plus lumineux que notre gros Soleil, mais ne produit ces quantités colossales de radiations qu'en faisant approximativement la taille de Manhattan.
On ne dépense pas une telle énergie sur des temps infinis: courte, la durée de vie d'un magnétar est estimée à 10.000 ans environ, et les astronomes ont pu jusqu'ici n'en observer directement que vingt-quatre, tous dans notre galaxie. Pensez à vous équiper solidement si vous souhaitez en visiter un.